1981- " Une opération « vérité » sur l’influence des syndicats "
(Extrait de « L’Etat et les fonctionnaires » Tome II Première partie)
(comme suite aux articles précédents sur le « dialogue social »
« Jamais dans le passé, les résultats de l’ensemble des élections des représentants du personnel aux commissions administratives paritaires n’ont été publiés. La direction générale de la fonction publique se retranchait derrière des arguties qui cachaient en réalité la volonté des pouvoirs publics de ne pas faire apparaître la représentativité réelle des organisations syndicales, et de maintenir une répartition arbitraire des sièges au Conseil supérieur de la fonction publique au profit de Force ouvrière, systématiquement présentée dans les commentaires de presse comme l’organisation la plus représentative, sinon majoritaire.
Dès l’automne 1981, le ministère de la fonction publique fait procéder à un recensement des résultats de ces élections et à leur publication pour la période 1978-1980. Il est annoncé que chaque année en octobre, les résultats seront publiés pour des périodes triennales. Sur un corps électoral de 1.644.663 inscrits, le nombre des votants est de 1.347.022, ce qui confirme la très forte participation des fonctionnaires à ces élections (81,9 %). Cette participation est du même ordre dans toutes les catégories : 82,1 pour la catégorie A, 80,5 pour la catégorie B, 82,9 pour les catégories C et D. Le nombre moyen des voix exprimées est de 1.261.809. Le système électoral utilisé permettant le panachage des listes, il faut, pour l’attribution des sièges, déterminer le nombre moyen de voix. Les résultats sont les suivants : FEN 374.110 soit 29 ,7 %, CGT 261.473 (20,7 %), CFDT 208.024 (16,5), FO 192.075 (15,3), CGC 47.761 (3,8), CFTC 35.579 (2,8), UGAF 11.569 (0,9), Associations 5570 (0,4), Divers 124.748 (9,9).
Les sièges détenus par les organisations syndicales dans les commissions administratives paritaires se répartissent ainsi : FEN 304,5 - CGT 507,5 - CFDT 398,9 - FO 727,6 - CGC 61- CFTC 87,5 - UGAF 128,5 - Associations 204 - Divers 444,8. Total 2865.
Comme annoncé, les résultats des élections sont publiés ensuite en 1982, 1983, 1984.
En application du décret du 28 mai 1982, le décret du 5 juin 1983 fixe la nouvelle composition du Conseil supérieur de la fonction publique. La répartition des sièges entre les organisations syndicales est, pour la première fois, opérée en fonction du nombre moyen de voix obtenues aux élections aux CAP et non plus de façon discrétionnaire. La répartition des 19 sièges que compte maintenant cet organisme devient la suivante : FEN 6, CGT 4, CFDT 3, FO 3, CGC 1, CFTC 1, FGAF 1. La fédération des fonctionnaires FO conteste cette décision. Elle estime que le nombre de sièges obtenus par les différentes organisations syndicales dans les élections aux CAP aurait dû être pris en considération. Mais cette demande, qui vise à limiter les effets du critère des voix sur la sur- représentation antérieure de FO, ne peut être satisfaite. On cite pour montrer que le nombre de sièges n’est pas une référence fiable, l’exemple du corps des instituteurs dont les effectifs sont de l’ordre de 300.000 avec une CAP comptant 10 représentants du personnel, alors qu’une CAP correspondant à un corps de quelques dizaines d’agents peut en compter 5 ou 6.
Certes, la prédominance des effectifs des personnels enseignants dans l’ensemble de la fonction publique et le fait que la FEN et ses syndicats ne sont implantés qu’au ministère de l’Education nationale et dans quelques autres départements ministériels, peuvent donner à cette organisation une sorte de « prime » dans le nombre de sièges au CSFP qui peut avoir des inconvénients sur le plan « technique » de l’examen des dispositions statutaires et indiciaires. Mais ces caractéristiques du mouvement syndical enseignant ont bien d’autres conséquences que nous rencontrons dans toute étude des problèmes généraux de la fonction publique. Ce n’est pas un argument recevable pour faire droit aux récriminations de FO. D’autant que la CGT elle-même n’a dans la nouvelle répartition que 4 sièges contre 6 à la FEN alors que le nombre de ses sièges dans les CAP est de l’ordre de 500 contre 300.
Dans l’immédiat, la fédération F0 décide, dans l’espoir que cette répartition sera éventuellement reconsidérée, de ne désigner qu’un seul représentant, et d’adopter une position de refus de vote dans les sessions ultérieures du conseil. Quant à la fédération CGC, dont le responsable est impliqué dans les sanctions prononcées par le ministre de l’Intérieur à l’occasion de manifestations de policiers au printemps 1983, elle estime que les nouvelles dispositions relatives au droit syndical et aux organismes paritaires portent atteinte aux positions acquises sous le régime précédent.t.
Pour le ministère de la fonction publique, il s’agit d’une question de transparence et d’équité et non comme croira pouvoir l’affirmer Jean-Paul Roux, dirigeant de l’UNSA ignorant peut-être les débats de la période précédente sur ces sujets, d’une manœuvre du ministère de la fonction publique destinée à « mettre un coin dans le partenariat historique entre la FEN et FO », « et surtout d’amener la CGT à signer son premier accord (salarial) ".
Le fait que cette référence aux suffrages recueillis dans les élections aux CAP ne sera pas remise en cause par les gouvernements successifs des décennies suivantes fait à lui seul justice des spéculations dont il a pu faire l’objet ».