L’article inséré dans ce blog le 10 juillet dernier sous le titre « Une démarche de rigueur » ouvrait une séquence partant d’une détermination ainsi précisée :
…Dès lors que sont énoncés des faits et données objectives, tout particulièrement des textes législatifs et réglementaires et des références jurisprudentielles, ou des délibérations collectives consignées dans des documents, il convient de relever les erreurs, les approximations, les lacunes, et de faire preuve d’une certaine exigence quant aux sources. Une vigilance particulière s’impose à l’égard des témoignages par essence fragiles et subjectifs, et des commentaires de seconde main dont la rigueur n’est pas la qualité première.
Cette perspective a trouvé début août dans la découverte d’un ouvrage sur le thème d’une « Enquête sur les vingt ans qui ont changé la CGT » une occasion d’affirmer « de bonnes raisons de rester sur le créneau » où je m’exprime depuis tant d’années.
D’autres articles ont suivi dans les premiers jours de septembre : « Non la messe n’est pas dite », « Lisez Parcours de trois quarts de siècle », « Questions de principe », débouchant sur « Un positionnement et des méthodes contestables ».
Cette première série (qui aura des prolongements) se poursuit aujourd’hui par un commentaire explicitant les « raccourcis » de nature à altérer et à instrumentaliser la réalité historique de la période 1981-1984.
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Le témoignage selon lequel « la CGT refuse de signer l’accord qui lui est soumis par un ministre communiste », n’indique ni de quel accord il s’agit, ni à quelle année il s’applique alors qu’une série de discussions salariales se sont déroulées dans la période considérée (1981-1984). Il affirme sa similitude « à la virgule près » avec les accords de l’époque Giscard d’Estaing, alors que les accords salariaux de la période étaient élaborés dans une autre situation économique comportant des niveaux de prix à la consommation très différents.
Il ajoute cette précision : « Nous ne pouvions pas accepter d’un gouvernement de gauche ce que nous avions refusé d’un gouvernement de droite » complétée par l’information suivante : « Anicet Le Pors a appelé Georges Marchais qui a appelé Henri Krasucki qui a convoqué une réunion des fédérations pour voir comment sortir de l’impasse ; s’en est suivie une rencontre entre Georges Marchais, Thérèse Hirszberg alors secrétaire générale de l’UGFF-CGT et moi », avant de faire état d’une curieuse « disjonction des propositions salariales » intervenant après une improbable jonction entre les questions relatives au statut et les négociations salariales. On ne sait toujours pas à quel accord ces tractations (dont j’atteste qu’elles ne se sont pas produites en 1981-1983 alors que j’exerçais les fonctions de directeur du cabinet) ont pu s’appliquer1.
Il est évident que ce témoignage et les commentaires qui l’accompagnent n’ont pas pour objet d’exposer la politique de la fonction publique de cette période qui a fait par ailleurs l’objet de travaux approfondis dont, comme je l’ai souligné, il ne tiennent aucun compte.
Il s’agit en réalité de considérations accompagnées de formulations polémiques qui se situent en dehors d’une analyse objective des différents aspects de la politique du ministère de la fonction publique et de la concertation avec les organisations représentatives du mouvement syndical des fonctionnaires. Elles s’inscrivent dans une problématique d’un autre ordre concernant les rapports entre la CGT et le PCF, la confusion entre fonctions politiques et syndicales de certains dirigeants, les évolutions de la centrale syndicale au cours des dernières décennies, et les effets imputés à tort ou à raison à la participation du PCF au gouvernement de Pierre Mauroy.
1- Des relations tendues
Les relations entre Anicet Le Pors, ministre de la fonction publique et des réformes administratives de la période 1981-1984 et la CGT, sa direction confédérale et ses organisations représentatives du mouvement syndical des fonctionnaires étaient plutôt tendues Tout journaliste, politologue ou syndicaliste qui intervient sur ces questions connaît (ou pourrait connaître) car elle est du domaine public, une appréciation d’Anicet Le Pors concernant Louis Viannet et Thérèse Hirszberg dans un ouvrage d’entretiens intitulé « Quatre ministres et puis s’en vont… Philippe Lefait, Editions de l’Atelier, 1995 :
« Viannet qui n’est pas quelqu’un que j’estime beaucoup, était l’un de mes principaux interlocuteurs quand j’étais au ministère puisqu’il était le patron de la Fédération CGT des PTT. Il a un sens de l’agitation de masse, connaît bien ses classiques syndicaux. C’est un professionnel du syndicalisme ni très travailleur, ni très sincère, ni très habile : ce n’est pas quelqu’un de première grandeur… Il était certes plus raisonnable et moins « emmerdant » que Thérèse Hirszberg, la pasionaria du syndicat ».