L’Histoire de la Fonction publique de la deuxième moitié du XXe siècle est jalonnée par l’adoption de la loi n° 46-2294 du 19 octobre 1946 portant statut général des fonctionnaires, et par deux nouvelles versions générales de ce statut abrogeant la version précédente : l’Ordonnance n°59-244 du 4 février 1959 et le statut général des fonctionnaires de l’Etat et des collectivités territoriales composé de trois lois suivi d’une quatrième en 1983-1984-1986 ( lois n° 83-634 du 13 juillet 1983, loi n°24-16 du 11 janvier 1984, loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, loi n°86-33 du 9 janvier 1986)
Chacune de ces étapes (1959 et 1981-1984) de l’évolution générale du statut adopté au lendemain de la Libération a clôt une période marquée par la publication de quelques lois modifiant plusieurs de ses articles et de textes réglementaires. Sur ce point, on a noté une relative stabilité sous la IVeRépublique de 1946 à 1958, et une certaine accélération dans la première partie de la Ve République de 1958 à 1983. En revanche, si la version générale de 1983-1984-1986 a été formellement maintenue dans les trois décennies de 1986-2006 et au-delà, on a constaté une véritable inflation de textes législatifs et réglementaires qui la dénaturent assez largement. Des réformes structurelles et statutaires très importantes en ont réduit le champ d’application par une politique de « mise en extinction » du statut pour des pans entiers de la fonction publique.
Il va de soi que tout ministre, fonctionnaire ou syndicaliste chargé de responsabilités dans la gestion générale de l’administration et de la fonction publique et tout spécialiste des différentes disciplines s’appliquant à ce domaine se doivent d’en avoir une connaissance approfondie.
Mais les analyses juridiques et les implications sociales immédiates gagnent à s’inscrire dans une vision plus large : l’histoire de la fonction publique et l’histoire politique sont inséparables.
- La loi d’octobre 1946 était adoptée à l’unanimité par l’Assemblée Nationale Constituante au terme de débats menés dans le contexte de la reconstruction de l’Etat, de la réforme administrative, des grandes réformes économiques et sociales des lendemains de la Libération et de l’installation des institutions de la IVeRépublique ;
- L’Ordonnance de 1959 qui opérait un transfert massif du statut au domaine réglementaire était publiée en application de la Constitution du 4 octobre 1958 instaurant la VeRépublique dont l’article 34 inscrivait les « garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires de l’Etat » dans le domaine de la loi ;
- Les lois constitutives du statut général des fonctionnaires de l’Etat et des collectivités territoriales de 1983-1984-1986 étaient conditionnées par les lois de décentralisation constituant une pièce maîtresse de cette nouvelle phase de nos institutions résultant de l’accession de la gauche au pouvoir;
- Les réformes structurelles et statutaires des dernières décennies du XXe siècle et des premières du XXIe surviennent dans une période de notre histoire politique caractérisée par une succession « d’alternances » et de « cohabitations » dans un contexte européen et mondial profondément affecté par une crise dont on ne connaît ni l’issue ni les conséquences les plus durables sur la société.
La conception française de la fonction publique s’est construite au fil du temps sur les fondements de la jurisprudence du Conseil d’Etat élaborée de la fin du XIXe siècle à la première moitié du XXe puis sur les principes repris dans un ensemble statutaire législatif et réglementaire. Ses adversaires n’ont jamais désarmé. Leurs héritiers d’aujourd’hui restent plus ou moins partagés sur la méthode. Certains sont conscients qu’ils peuvent célébrer le bilan de leur action au cours des trente dernières années en constatant que la gauche au pouvoir n’abroge que rarement les remises en cause opérées par la droite, alors que celle-ci s’empresse de détruire ce qui lui paraît porter atteinte à ses sujets de prédilection (haute fonction publique, droit syndical et droit de grève, non titulaires…) chaque fois qu’elle revient aux affaires. Ils pensent que la meilleure méthode est de poursuivre, d’accentuer à l’occasion la liquidation progressive du statut. D’autres croient le moment venu de préconiser une politique tendant à porter l’estocade.
Pourtant, ces considérations centrées sur le statut général des fonctionnaires restent en deça de la réalité. On ne peut ignorer, en effet le statut des militaires et celui des magistrats. On peut encore moins ignorer que cet ensemble statutaire est une composante d’un système qui s’applique à plus de cinq millions de salariés et à des millions d’ayant-droit comportant un régime spécifique de rémunérations relevant de la politique économique, budgétaire et sociale de l’Etat et des collectivités publiques, et des régimes de retraites consigné dans un Code général des pensions civiles et militaires.
La fonction publique est en soi un domaine très étendu. Les liens de ses évolutions avec l’histoire politique et sociale sont loin d’occuper la place qui leur revient.