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28 mai 2010 5 28 /05 /mai /2010 07:52

Dans un ouvrage de 685 pages consacré à la biographie de Maurice Thorez et de son épouse  fondé sur des sources et une bibliographie riches et abondantes qui vient de paraître 1 trois pages  évoquent l’œuvre accomplie au ministère de la  fonction publique en 1946, en se référant  à un discours d’anniversaire du statut général des fonctionnaires et à une lettre d’un membre du cabinet. Autant dire que dans le domaine qui nous intéresse ici, il n’y a pas grand-chose à commenter en dehors des notations  qui suivront sur le « devoir d’obéissance ».

    Pourtant, il faut s’arrêter un instant sur le fait qu’on trouve encore dans cet ouvrage l’affirmation selon laquelle « on a beaucoup reproché au parti communiste d’avoir, à la faveur du statut, tenté de noyauter la fonction publique. »

    L’auteure cite un passage d’une lettre adressée à Maurice Thorez  le 21 décembre 1946 par Max Amiot (un des membres les plus actifs du cabinet) où elle voit une  confirmation  que cette idée du noyautage « ne fut pas absente ». Max Amiot a écrit : « Je pense très modestement que ton œuvre à la vice-présidence, en tant que ministre chargé de la réforme administrative, aura considérablement servi les intérêts du parti ; grâce à l’autorité dont tu jouis er à la portée de la loi dont tu as obtenu le vote, notre pénétration dans la masse, jusqu’alors hermétique, des fonctionnaires se trouvera facilitée. » Et l’auteure ajoute qu’Amiot a assorti sa signature de la précision : « Membre n° 473 550 du PC ».

    Je pense qu’il faut solliciter très fortement ce texte pour y voir une allusion à un « noyautage » de l’administration. Le témoin actif que j’étais dès cette époque a beaucoup de mal à y parvenir.

    J’étais, comme Max Amiot  plus âgé que moi de quelques années (dont j’avais été le voisin de chambre d’hôtel pendant mon stage à l’Ecole des Contributions indirectes) contrôleur de cette administration  et  militant du syndicat. Après la Libération,  j’étais le secrétaire fédéral pour les Basses-Pyrénées, de l’Union de la Jeunesse républicaine de France issue de la transformation du mouvement de la jeunesse communiste auquel j’avais adhéré en 1936, à l’âge de 13-14 ans. Je m’intéressais aux informations concernant le cheminement du projet de statut et j’avais personnellement rencontré, à l’occasion des congrès, ses principaux acteurs syndicaux, notamment Jacques Pruja et aussi le député Jacques Grésa qui avait déposé le projet à l’Assemblée pour le groupe communiste. Nous appartenions tous au même syndicat national, dont je reparlerai car il a joué un rôle essentiel. Je me rappelle avoir confondu devant témoins le député socialiste de ma circonscription, lui-même fonctionnaire des finances, en mettant sous ses yeux une brochure éditée par le CDLP (Centre de diffusion du Livre et de la Presse) contenant le texte du statut accompagné des commentaires de Maurice Thorez (une brochure dont j’ai gardé un exemplaire et que pratiquement personne ne connaît aujourd’hui).

       Il arrive  que l’histoire se répète, et je n’ai pas besoin de rappeler que la deuxième fois, c’est une farce. En 1981, l’accusation de noyautage a été reprise par ce que le monde politique comptait de plus réactionnaire et André Bergeron faisait campagne contre la présence de ministres communistes dans le  gouvernement de Pierre Mauroy. Il a suffi de  rappeler  que les communistes, (ou considérés comme tels selon les bonnes vieilles méthodes de « chasse aux sorcières ») occupant un poste élevé dans l’administration se comptaient sur les doigts d’une main pour réduire cette campagne à de saines proportions : un préfet, un recteur, trois ou quatre directeurs d’administration centrale. J’étais le directeur du cabinet du ministre de la fonction publique dont les membres étaient jugés « plutôt roses » par le cabinet du Premier ministre et  le « rouge » était absent des cabinets des ministres socialistes. Au début de cette expérience une notice me concernant paraissait dans un ouvrage de Dominique Dagnaud intitulé « L’élite rose ».  Il est vrai que j’étais présenté comme « un communiste de toujours ».

        A propos de « noyautage », je  suggère qu’on se souvienne  de  celui que l’on appelait le « NAP » (Noyautage des administrations publiques) qui se manifestait notamment par l’action  des postiers, des agents des ponts et chaussées, des cheminots et d’autres agents publics  contre les troupes d’occupation allemandes et leurs complices de Vichy. Mais c’est une autre histoire.

 

1 -Annette Wieviorka, Maurice et Jeannette,  biographie du couple Thorez, Fayard, 2010.

 

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25 mai 2010 2 25 /05 /mai /2010 09:00

      Pour la première fois, à ma connaissance, l’anniversaire du statut général des fonctionnaires publié en octobre 1946 a été commémoré en 1976. L’assemblée  qui se tenait au siège de la CGT (à l’époque 213 rue Lafayette) était organisée en commun par l’Union générale des fédérations de fonctionnaires  et  les fédérations des PTT et des services publics et de santé. Elle était présidée par Georges Seguy, et j’ai été chargé de présenter le rapport. Cette commémoration avait une particularité marquante : Alain Le Léap, secrétaire général de l’UGFF à l’époque de la publication du statut (c’était avant la scission syndicale de 1947-1948) et Jacques Pruja, qui fut un des principaux artisans de sa rédaction, étaient présents, et Pierre Meunier, qui fut le directeur de cabinet de Maurice Thorez avait envoyé un message. Les textes des interventions  ont été publiés dans une plaquette diffusée à plus de cinquante mille exemplaires.

      La CGT a organisé par la suite deux autres commémorations, pour le 50eanniversaire en 1996, pour le 60e  en 2006. Quand au ministère de la fonction publique, il en a organisé une, pour le 50e anniversaire, dont certains aspects sont évoqués ici et là  dans  les articles de ce blog.

      Naturellement, il existe par ailleurs, en dehors de ces cérémonies commémoratives qui sont par définition l’occasion d’évoquer l’ensemble des questions qui se rattachent aux conditions d’élaboration, au contenu et aux évolutions du statut, des analyses et commentaires.

  .    C’est une  bonne occasion de rappeler  que  sur la question des conditions d’élaboration du statut général des fonctionnaires en 1946, et sur le contenu de ce texte, les travaux de Jeanne Siwek-Pouydesseau, qui fut  directeur de recherches au CNRS et eut le mérite de traiter ce sujet  conformément  aux méthodes de la recherche historique, avant  de se consacrer quelques années plus tard  à l’histoire du syndicalisme des fonctionnaires

    D’autre part qu’on me permette de mentionner un ouvrage qui n’est jamais cité et que l’on trouve certainement dans nombre de bibliothèques administratives et universitaires : l’Histoire de la fonction publique en France publiée en 1993 par la Nouvelle librairie de France.

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22 mai 2010 6 22 /05 /mai /2010 10:23

 

LissagarayCeux qui ont lu des ouvrages sur la Commune de Paris ne peuvent ignorer le nom de P-O  Lissagaray, dont l’Histoire de la Commune de Paris publiée en 1876, reprise en 1896 avec une nouvelle préface de l’auteur dans une version définitive,  et constamment rééditée au long du XXe siècle1, reste un classique, un ouvrage de référence. Mais si des communards qui n’ont pas nécessairement joué  un rôle essentiel font plus ou moins régulièrement l’objet d’articles ou de conférences, si des associations se sont constituées pour perpétuer le souvenir et les idées de certaines personnalités du mouvement ouvrier de l’époque, tel n’est manifestement pas le cas de Lissagaray.

 

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20 mai 2010 4 20 /05 /mai /2010 13:41

En guise d’introduction

     Dans une précédente série d’articles, sous le titre général « Au crible de l’histoire », on a présenté les affirmations  et interprétations  concernant les positions du mouvement syndical des fonctionnaires pendant l’entre-deux-guerres et les lendemains de la Libération qui étaient incluses dans des textes à l’appui de propositions contemporaines de  réformes du droit de la fonction publique.  

      Dès lors que certains éléments de l’histoire du syndicalisme des fonctionnaires sont ainsi évoqués  dans des documents destinés à tracer des perspectives pour la fonction publique du XXIe siècle, il est légitime de les analyser, avant de s’interroger sans a priori sur leur pertinence.

      Les articles qui suivent ont précisément  pour objet de démontrer que cette argumentation est contredite par les travaux historiques existants et de permettre à tout un chacun de se faire une opinion   sur la portée d’un tel constat dans les débats en cours.

      Au-delà de ces considérations s’appliquant spécialement à la place du mouvement syndical dans l’histoire, une réflexion plus générale s’impose à l’esprit comme une vérité d’évidence. Il est impossible, quel que soit le domaine envisagé, d’élaborer une politique, de proposer une réforme, en ignorant l’ensemble des données auxquelles elles s’appliquent et de leur évolution antérieure. 

      Quand on ignore l’histoire, quand on l’instrumentalise, ou quand on se comporte comme si elle avait commencé avec soi, on prend le risque de rester en marge de certains aspects du débat et de l’action.

      D’autres éléments des textes que nous soumettons à cet examen critique seront examinés par la suite, dans une autre série d’articles qui resteront essentiellement sur le terrain historique sans négliger pour autant  les interférences juridiques

 

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20 mai 2010 4 20 /05 /mai /2010 13:35

 

     Dans la  confrontation relative aux références au mouvement syndical, la première question qui se pose est celle des rapports qui existaient sous la IIIe République, c’est-à-dire  pendant soixante-dix ans, de 1875 à 1946, entre les gouvernements successifs, les formations politiques et les groupes parlementaires et le mouvement  associatif puis syndical des fonctionnaires. Le moins que l’on puisse dire est que le rapport  du Conseil d’Etat en donne  une vision édulcorée qui ne permet pas une appréciation correcte. .

     Sur cette question essentielle, on ne peut rien comprendre  aux événements de la période  si on ne rappelle pas les éléments suivants qui, eux, sont attestés par les recherches historiques :

1° le mouvement syndical s’est développé en France après la publication de la loi du  21 mars 1884 : Fédération nationale des syndicats  constituée en 1886,  suivie en  1892 de celle de la Fédération des Bourses du travail et en 1895 de celle de la CGT.

 

2° cette loi ne s’appliquait pas aux personnels des services publics, ainsi que l’a confirmé, quelques mois plus tard, un arrêt de la Cour de Cassation en date du 25 juin 1885 (les ouvriers d’Etat pouvaient constituer des syndicats).

3° toutes les tentatives des  associations professionnelles de fonctionnaires constituées  dès la fin du XIXe siècle notamment par les instituteurs, les postiers, les agents des Ponts et chaussées et du grand nombre de celles qui se sont constituées après la publication de la loi du 1erjuillet 1901 de se transformer en syndicats se sont heurtées à l’opposition des gouvernements de la IIIe République.

     La  position  de ces derniers  était cependant assez ambiguë : ils considéraient que la « capacité syndicale » ne saurait être accordée aux agents de l’Etat, car ils détiennent une « portion de la puissance publique ». Ils toléraient  les associations ou amicales, et même les rares syndicats existants, mais ils s’employaient  à combattre ceux qui tentaient  de se créer. Dans le même temps, ils avançaient  l’idée d’un « statut spécial »  essentiellement destiné à consacrer cette situation.

 4° La partie la plus déterminée du  mouvement associatif des fonctionnaires a mené une lutte intense pour la reconnaissance du droit syndical, c’est-à-dire, concrètement, le bénéfice de la loi de 1884. A la fin de l’année 1905 et au début de 1906, la publication du  « Manifeste des instituteurs syndicalistes », la campagne menée par le « Comité central pour la défense du droit syndical des salariés de l’Etat, des départements et des services publics », organisme créé par les associations  professionnelles qui groupaient plus de 300.000 adhérents (chiffre énorme pour l’époque et même pour la nôtre,  par comparaison avec les effectifs globaux concernés) marquaient les premières initiatives d’une longue lutte pour le droit syndical, saluées par la CGT qui subissait alors la répression du pouvoir, et par des personnalités comme Anatole France, Ferdinand Buisson, Jean Jaurès.

 

5° au lendemain de la Première guerre mondiale, la Fédération des fonctionnaires créée en 1909 a adhéré  à la CGT en 1920 et s’est employée à cette transformation malgré la répression et les poursuites.

6° après avoir largement contribué à la victoire électorale du Cartel des gauches en 1924, la fédération des fonctionnaires a obtenu la reconnaissance de facto du mouvement syndical des fonctionnaires par une circulaire du ministre de l’Intérieur Camille Chautemps.

7° la jurisprudence du Conseil d’Etat a consacré pendant cette longue période (jusqu’à la publication de la loi de 1946 portant statut général des fonctionnaires) le caractère « illégal » des syndicats de fonctionnaires.

    Cet  exposé  fait apparaître  que la lutte du mouvement associatif des fonctionnaires pour la constitution de syndicats s’est constamment heurtée à l’opposition des gouvernements et à une jurisprudence draconienne du Conseil d’Etat, et que la reconnaissance explicite  du droit syndical est la pierre d’achoppement des rapports entre l’Etat et les fonctionnaires pendant trois quarts de siècle.

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20 mai 2010 4 20 /05 /mai /2010 13:26

    Le rapporteur du Conseil d’Etat  présente comme une des causes essentielles de l’échec  des projets et propositions de statut présentés au long de la première moitié du XXe siècle, le rejet par les syndicats du  principe même d’un  statut considéré comme un carcan représentant une « inféodation à l’Etat ».

    Tous les travaux historiques menés sur ce sujet établissent que la caractéristique des  projets gouvernementaux (sauf pendant la période du Front populaire) était de rejeter le principe du droit syndical des fonctionnaires. Ils étaient même conçus dans cet esprit. Dans le même temps, la jurisprudence du Conseil d’Etat était maintenue. La revendication fondamentale du mouvement syndical des fonctionnaires étant de faire reconnaître le droit syndical, c’était  une raison suffisante de s’opposer à ces projets.

     Sans revenir en détail sur une histoire que le lecteur est invité à consulter dans les ouvrages cités, il convient de rappeler qu’en octobre 1906, Clemenceau s’étant engagé à déposer un projet de loi « assurant aux fonctionnaires la liberté de l’association professionnelle et les garantissant contre l’arbitraire »  le projet  déposé en 1907  interdisait la grève et l’accès aux Bourses du travail. Une quinzaine d’associations de fonctionnaires publiaient une « Lettre ouverte à Clemenceau » récusant ce  projet  et proclamant la volonté  de faire reconnaître les fonctionnaires comme des travailleurs jouissant de la plénitude de leurs droits. Clemenceau répliquait : « Aucun gouvernement n’acceptera jamais que les agents des services publics soient assimilés aux ouvriers  des entreprises privées, parce que cette assimilation n’est ni raisonnable ni légitime. Un contrat les lie à la nation. Leur place n’est ni à la Bourse du travail ni à la CGT. Leurs syndicats sont illégaux ». Le gouvernement engageait des poursuites contre les signataires, qui étaient révoqués.

    Est-ce-à-dire que les fonctionnaires étaient et se considéraient comme des travailleurs « comme les autres »  et voulaient leur être assimilés  comme le rapporteur  l’affirme? Peu importe -sous bénéfice d’inventaire- que des écrits de syndicalistes  de l’époque aient pu prêter à confusion. La position gouvernementale était ferme.  Mais celle des syndicats l’était aussi : ils ne  demandaient  pas une sorte d’assimilation ou d’alignement (ils disposaient par exemple d’un régime de retraite depuis le milieu du XIXe siècle alors que les premières retraites ouvrières  datent de 1909). Ils se considéraient comme des salariés (ce qui est économiquement et sociologiquement incontestable) et voulaient à ce titre bénéficier du droit syndical que le pouvoir, et aussi le Conseil d’Etat  (ce qu’on se garde bien de rappeler) refusaient obstinément.

    Mais l’histoire est un peu plus complexe. En 1908 était créé un Comité d’études des associations professionnelles des employés de l’Etat, des départements et des communes sous l’impulsion de Georges Demartial haut fonctionnaire du ministère des Colonies qui avait déjà publié une série d’articles. Ce comité, qui regroupait une trentaine d’associations publiait un « Projet de loi sur le statut et le droit d’association des fonctionnaires » et se substituait à une première fédération constituée en 1905, avant de céder la place en 1909, à une nouvelle fédération qui exprimera dans ses congrès son hostilité aux projets de « statut-carcan »  Au cours des années du début du XXe siècle, deux courants s’exprimaient  au sein du mouvement syndical et associatif des fonctionnaires : les « statutistes »,qui voulaient un statut et les « syndicalistes » qui s’opposaient aux projets présentés  et réclamaient l’application de la loi de 1884 aux fonctionnaires. Mais parmi les statutistes, on ne rejetait pas nécessairement  la reconnaissance du droit syndical.

      Encore une précision que ne donne pas le rapporteur  probablement parce qu’elle contribuerait à infirmer sa théorie : à la veille de la Seconde guerre mondiale, en 1937,  le député Reille-Soult a déposé  un projet  législatif de statut des fonctionnaires s’inspirant des propositions de la CFTC.

     Une dernière proposition émanant du sénateur Jacques Bardoux, tout aussi restrictive que les précédentes, a également été déposée. Mais aucun texte ne fut  inscrit à l’ordre du jour du Parlement. Le projet élaboré par une « mission des fonctionnaires »  constituée dans le cadre d’un « Comité de la Hache », achevé  au cours de l’été 1939, aurait certainement rencontré le même accueil hostile des syndicats s’ils en avaient  été saisis.

     Une constante a  dominé  jusqu’au bout cet ensemble de contradictions, d’avancées et de retours en arrière : le refus du Conseil d’Etat de reconnaître le droit syndical des fonctionnaires et sa volonté de régir l’ensemble des questions concernant la fonction publique.

     Ce rappel des faits montre qu’au long de cette longue période, le mouvement syndical rejetait les projets de statut parce que ces derniers étaient conçus, selon les conceptions autoritaires de l’Etat, pour consacrer le refus du droit syndical.

 

 

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20 mai 2010 4 20 /05 /mai /2010 13:17

     Le rapporteur affirme que lorsque se sont ouvertes les discussions pour l’élaboration du statut des fonctionnaires en 1946, le mouvement syndical des fonctionnaires non seulement rejetait le principe d’un statut mais demandait une convention collective. Cette affirmation est également contraire à la réalité historique.

     Au lendemain de la guerre de 1914-1918, le congrès de la fédération des fonctionnaires tenu en juillet 1919 a invité les associations qui la composaient à se transformer en syndicats « adhérents à la CGT ». Le congrès suivant, en mai 1920 a confirmé le processus engagé, alors que le gouvernement traduisait la centrale syndicale devant les tribunaux aux fins de dissolution et prenait un ensemble de mesures à l’encontre des syndicats de fonctionnaires : ordres de dissolution, annulation des détachements accordés à la fédération…( des précisions que l’on préfère oublier).

    Une loi du 12 mars 1920 modifiait celle du 21 mars 1884  mais elle maintenait l’exclusion des fonctionnaires. Le nouveau projet de  loi qui la suivait le 1er juin prévoyait un statut spécial qui était inacceptable, précisément parce qu’il consacrait cette exclusion. Dans le même temps, la jurisprudence du Conseil d’Etat confirmait de nouveau le caractère « illicite » des syndicats de fonctionnaires.

    C’est dans ce contexte qu’un  rapport a été présenté au congrès de 1920 par Michel Piquemal ( militant responsable du Syndicat des Contributions indirectes qui a joué un rôle de premier plan dans le syndicalisme des fonctionnaires) récemment élu secrétaire-général adjoint, proposant  un projet de « contrat collectif » dont le principe figurait déjà dans le programme soumis aux candidats aux élections législatives de 1919.

   Ce rapport, reproduit dans La tribune des fonctionnaires du 15 mai 1920, a été analysé  de façon détaillée dans les ouvrages cités. Que demandait la fédération des fonctionnaires ? « Par analogie avec les salariés de l’industrie privée », elle  réclamait «  un contrat de travail qui règlera  leurs relations avec l’Etat - employeur ». Il s’agissait  de  « contrats collectifs » conclus dans chaque administration  avec le groupement professionnel représentant le personnel par application de la loi du 25 mars 1919 sur les conventions collectives qui prolongeait et consacrait la loi de 1884. Il s’agissait d’accords comportant  un ensemble de principes généraux et de dispositions gérées par des « conseils professionnels «  paritaires s’inspirant des comités Whitley existant en Angleterre.

     Les « groupements professionnels » dont il était question, qu’ils aient revêtu la forme de l’association ou celle du syndicat, mais qui dans cette période se transformaient en syndicats malgré les interdits, se situaient dans tous les cas au niveau des ministères et administrations dans une structure marquant une correspondance avec les structures administratives. Le « Syndicat national » éventuellement doté de « sections départementales » est l’organisation de base du mouvement syndical des fonctionnaires dans tous les secteurs de la fonction publique de l’Etat, y compris l’Education nationale, à l’exclusion des  fédérations des PTT  regroupant les personnels par « catégories »  dans des « syndicats départementaux ». La reconnaissance du droit syndical était et demeurait l’objectif essentiel du mouvement syndical des fonctionnaires, quels que soient les voies et moyens de son aboutissement. Le débat entre « statutistes » et « syndicalistes » était dépassé.      

.     L’argumentation propose une vision de la fédération des fonctionnaires dont les dirigeants auraient été des révolutionnaires dressés contre l’Etat considéré comme un « ennemi de classe », alors qu’il s’agissait en l’occurrence, non pas de l’Etat en général et des analyses que certaines fractions du  mouvement ouvrier pouvait éventuellement en faire, mais de « l’Etat-employeur ». Toute l’histoire de la fédération des fonctionnaires s’inscrit en faux contre cette vision caricaturale (dans laquelle il n’est pas interdit d’apercevoir une certaine condescendance de classe à l’égard des responsables syndicaux). Elle est en contradiction avec ce que l’on sait des relations entre les gouvernements, les administrations et les syndicats de fonctionnaires et des rapports de forces au long de l’entre-deux-guerres.

    Le refus du caractère « statutaire et réglementaire » du régime de fonction publique attribué aux responsables syndicaux ( et sur lequel nous reviendrons) n’a aucun rapport avec la réalité : ce régime  est au-delà des mots une constante de toute l’histoire de la fonction publique.

     Quant à la prétendue opposition fondée sur le refus d’une « inféodation à l’Etat », c’est une fable. Le tableau général des relations entre les gouvernements, les ministères et administrations  et les organisations syndicales de fonctionnaires pendant l’entre-deux guerres offre une vision contrastée comportant à la fois des formes de coopération sur les questions relatives au recrutement, à l’avancement, à la discipline, les commissions  compétentes pour les rémunérations et reclassements  et des attitudes hostiles voire répressives. Après la victoire du Front populaire en 1936, les questions générales de la fonction publique ont été examinées par une commission consultative entre les représentants d’un gouvernement favorable à  la reconnaissance du droit syndical et les représentants de la fédération des fonctionnaires. Dans les ministères et administrations des commissions  fonctionnaient dans des conditions diverses. Mais on n’a pas abouti pour autant à l’adoption d’un dispositif général pouvant s’apparenter à un statut

      A la veille de la Seconde guerre mondiale, la question d’une convention collective ou d’un contrat n’était plus d’actualité, et comme indiqué plus haut, la CFTC avait même directement inspiré une proposition de statut législatif.

 

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20 mai 2010 4 20 /05 /mai /2010 13:09

    Le rapporteur caractérise la position  du mouvement syndical des fonctionnaires en 1946 sans se demander si cette position avait évolué au cours des deux décennies qui ont suivi le congrès de 1920 dont il ne fait aucune mention alors qu’il était à l’origine du projet de « contrat collectif ».

   Il  ne s’interroge pas davantage  sur les évolutions qui ont pu se produire entre la Libération et l’engagement du processus d’élaboration du statut général des fonctionnaires c’est-à-dire en 1944 et 1945. 

    Les statuts  de fonctionnaires de l’Etat et de personnels communaux publiés par le régime de Vichy étaient abrogés par des ordonnances en 1944 et 1945 dans le cadre du rétablissement de la légalité républicaine.

    Il est une vérité élémentaire qu’on s’étonne de voir oubliée : au lendemain de la Libération, personne ne pouvait se permettre d’ignorer l’existence des syndicats. L’année 1945 qui a précédé celle de l’élaboration et du vote du statut général des fonctionnaires a été jalonnée d’événements significatifs.

     Dès le 7 juin 1945, le projet des syndicats chrétiens était de nouveau déposé et le sera encore en 1946,  par le groupe parlementaire du MRP au cours des discussions engagées dans les premiers mois de 1946 par Maurice Thorez avec les organisations syndicales.

     L’ordonnance du 9 octobre 1945 adoptée à la suite des travaux de la commission de réforme de l’Etat présidée par Michel Debré créait le Conseil permanent de l’administration civile. Cet organisme  devait être nommé pour six ans et renouvelé par moitié tous les trois ans, et devait comprendre des représentants des organisations syndicales mais il ne fonctionnera pas et sera dissous  en raison de la création par le statut du Conseil supérieur de la fonction publique  Il avait vocation à être consulté sur toutes les questions intéressant le recrutement, le statut et l’organisation des services publics et  devait faire fonction de conseil de discipline pour les fonctionnaires appartenant aux services et corps auxquels l’ENA  créée par l’Ordonnance destinera.

        Un autre organisme avait  été créé par un décret du 18 octobre 1945, la « Commission syndicale  d’études » comprenant dix représentants de la CGT et deux de la CFTC. Après un refus de plusieurs mois, la fédération des fonctionnaires avait désigné ses représentants au début de 1946. Dans son discours de clôture au colloque de février 1995 consacré au cinquantenaire du statut des fonctionnaires, le ministre de la fonction publique en exercice André Rossinot affirmait, dans le but évident de faire prévaloir une prééminence de l’œuvre de Michel Debré sur celle de Maurice Thorez, que l’ordonnance du 9 octobre 1945 comportait « une reconnaissance explicite du droit syndical » et que cette reconnaissance  était une des principales  innovations  « confirmée par le statut général ».

        Sans revenir sur la réfutation de cette affirmation péremptoire  que j’ai eu l’occasion de faire par ailleurs, il faut souligner que les personnalités politiques de droite et les hauts fonctionnaires qui se situent plus ou moins dans leur mouvance se plongent eux-mêmes dans une contradiction. On ne peut en effet  prétendre qu’en acceptant le statut de 1946 les syndicats  renonçaient  à leurs positions en échange d’un droit syndical dont on affirme dans le même temps  qu’il était déjà acquis. Qui veut trop prouver ne prouve rien.

         Les anciens dirigeants de la fédération des fonctionnaires – qui restaient sur leurs positions de l’entre-deux-guerres mais ne parlaient pas pour autant de « convention collective » - ont été  remplacés au congrès constitutif de l’UGFF en  mars 1946  par de nouveaux responsables (Alain Leap et Jacques Pruja). Ce dernier a fait approuver le projet de statut élaboré par des commissions et groupes de travail, puis a travaillé en étroite collaboration avec Max Amiot, jeune contrôleur des contributions indirectes, docteur en droit,  spécialement nommé au cabinet de Maurice Thorez pour l’élaboration du projet.La commission syndicale d’études est devenue l’organe officiel de la coopération entre le ministre de la fonction publique et le mouvement syndical des fonctionnaires.

 

 

1-J’aurai peut-être l’occasion de raconter comment j’ai personnellement connu  à cette époque les principaux protagonistes syndicaux.

 

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20 mai 2010 4 20 /05 /mai /2010 13:03

       Dans le contexte créé par les débats, analyses et rapports des deux dernières décennies et accentué par ceux de la RGPP, la question des caractéristiques et des incidences juridiques du caractère « statutaire et réglementaire »  du régime de fonction publique  a pris une place inédite dans nombre d’articles  et études émanant de spécialistes de droit et de science administrative et aussi, il faut bien le noter, dans les publications de certaines  organisations syndicales. Il n’est pas question de s’engager plus que de raison dans un tel débat juridique .Il ne fait en effet aucun doute – même si certains font semblant de le découvrir - que le caractère statutaire et réglementaire a pour conséquence que la puissance publique peut modifier unilatéralement les règles définissant les droits et obligations des fonctionnaires et que selon la jurisprudence, les fonctionnaires n’ont aucun « droit acquis » au maintien du statut, étant entendu que ses modifications éventuelles ne sauraient avoir d’effet rétroactif susceptible de mettre en cause la situation individuelle des agents.

      Au-delà de ces considérations juridiques qu’il ne saurait ignorer ou négliger, le mouvement syndical des fonctionnaires a sa propre logique, qui est celle de la lutte et des rapports de force. D’une façon générale, la loi ne va pas au devant des aspirations sociales. Elle est la consécration de la lutte. La reconnaissance de fait des syndicats, l’organisation des rapports entre eux et les administrations et l’inscription du droit syndical dans un texte législatif en 1946 ont couronné des dizaines d’années d’initiatives tendant à établir la légitimité du mouvement syndical. De même la grève est un fait social avant de figurer dans les textes. Il y a eu des grèves dans la fonction publique, principalement dans les PTT, bien avant que le droit ne soit inscrit dans le Préambule de la Constitution de 1946, et chacun sait que les personnels soumis à un « statut spécial » interdisant la grève y ont eu recours quand les circonstances de la lutte sociale les y ont contraints.

      En réalité il faut être conscient que la  recrudescence des analyses et débats sur cette question s’inscrit dans la campagne en cours pour l’introduction du contrat dans le droit de la fonction publique, qu’il est élémentaire de ne pas se laisser « piéger », et qu’il est plus opportun de disséquer et de contester  l’instrumentalisation de l’histoire qui caractérise cette entreprise.

     Contrairement à l’idée  que les initiateurs de cette campagne semblent vouloir accréditer, le statut général des fonctionnaires adopté en 1946 n’a pas donné naissance à  un régime de fonction publique de nature statutaire et réglementaire que le mouvement syndical des fonctionnaires aurait accepté après l’avoir de longue date refusé.

    Les différents aspects de la  situation des fonctionnaires et agents publics dans chaque ministère ou administration étaient régis par des décrets. Quelques problèmes généraux avaient fait l’objet de textes législatifs, et les garanties professionnelles de caractère général avaient donné lieu à une jurisprudence du Conseil d’Etat. Les fonctionnaires, leurs associations et leurs syndicats se sont donc toujours situés dans un espace législatif, réglementaire et jurisprudentiel.

    La fonction publique considérée dans son ensemble et les fonctionnaires considérés dans leur situation individuelle n’avaient  jamais connu  des situations  qui auraient pu être qualifiées de « contractuelles ».

    Sur ce point, il est sans doute nécessaire de veiller à ce qu’une confusion supplémentaire ne s’instaure pas à partir  de la jurisprudence du Conseil d’Etat et de son évolution au long de la première moitié du XXe siècle concernant le  concept de « contrat de fonction publique » et son abandon ultérieur. L’article 65 de la loi du 22 avril 1905 résultant d’un amendement du député Marcel Sembat à la suite du « scandale des fiches » a fait de la communication du dossier en cas d’instance disciplinaire, une garantie professionnelle, un principe général du droit. Quelques années plus tard, Winkell, un postier ayant participé à la grève des Postes en 1909, a formé un recours au Conseil d’Etat fondé sur le fait que les agents révoqués n’avaient pas reçu communication de leur dossier. Le Conseil d’Etat a rejeté ce recours ( CE 7 août 1909, Winkell) en faisant appel  à une notion de « contrat de fonction publique » qui  transposait dans le droit administratif la jurisprudence de la Cour de Cassation. Cette dernière  estimait que la grève  avait pour effet de rompre le contrat de travail et  faisait elle-même l’objet de vives controverses. Soutenant  que la continuité est l’essence du service public et que la grève est en contradiction directe avec la notion de service public, le rapporteur concluait ainsi : « …La grève, même quand elle n’est pas réprimée pénalement, est un moyen révolutionnaire auquel il est interdit de recourir ». Cette jurisprudence a été confirmée dans un premier temps à plusieurs reprises, elle a été étendue aux agents des services publics industriels et aux employés des sociétés d’économie mixte. Mais elle a été modifiée en 1937 non pas sur le fond, mais sous un angle purement juridique. Le Conseil d’Etat, constatant que sa jurisprudence était contestée, notamment par la doctrine,  a abandonné la notion du contrat de fonction publique non pour des raisons de fond (l’interdiction de la grève était maintenue) mais pour des raisons d’ordre juridique, en affirmant que le lien qui unit le fonctionnaire à l’administration est de nature statutaire et réglementaire et non pas contractuelle (CE 22 octobre 1937, Delle Minaire et autres) 1.

    On se demande sur quoi repose l’affirmation selon laquelle le mouvement syndical des fonctionnaires (dont les principaux dirigeants s’accommodaient du « régime des décrets ») aurait   rejeté au long de la période, le caractère statutaire et réglementaire de la fonction publique.

 

 

1- Ceux qui souhaitent approfondir la connaissance de ces problèmes peuvent consulter notamment  M.Long, P.Weil, G .Braibant, Les grands arrêts de la jurisprudence administrative.

 

 

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20 mai 2010 4 20 /05 /mai /2010 12:55

       Dans le contexte créé par les débats, analyses et rapports des deux dernières décennies et accentué par ceux de la RGPP, la question des caractéristiques et des incidences juridiques du caractère « statutaire et réglementaire »  du régime de fonction publique  a pris une place inédite dans nombre d’articles  et études émanant de spécialistes de droit et de science administrative et aussi, il faut bien le noter, dans les publications de certaines  organisations syndicales. Il n’est pas question de s’engager plus que de raison dans un tel débat juridique .Il ne fait en effet aucun doute – même si certains font semblant de le découvrir - que le caractère statutaire et réglementaire a pour conséquence que la puissance publique peut modifier unilatéralement les règles définissant les droits et obligations des fonctionnaires et que selon la jurisprudence, les fonctionnaires n’ont aucun « droit acquis » au maintien du statut, étant entendu que ses modifications éventuelles ne sauraient avoir d’effet rétroactif susceptible de mettre en cause la situation individuelle des agents.

      Au-delà de ces considérations juridiques qu’il ne saurait ignorer ou négliger, le mouvement syndical des fonctionnaires a sa propre logique, qui est celle de la lutte et des rapports de force. D’une façon générale, la loi ne va pas au devant des aspirations sociales. Elle est la consécration de la lutte. La reconnaissance de fait des syndicats, l’organisation des rapports entre eux et les administrations et l’inscription du droit syndical dans un texte législatif en 1946 ont couronné des dizaines d’années d’initiatives tendant à établir la légitimité du mouvement syndical. De même la grève est un fait social avant de figurer dans les textes. Il y a eu des grèves dans la fonction publique, principalement dans les PTT, bien avant que le droit ne soit inscrit dans le Préambule de la Constitution de 1946, et chacun sait que les personnels soumis à un « statut spécial » interdisant la grève y ont eu recours quand les circonstances de la lutte sociale les y ont contraints.

      En réalité il faut être conscient que la  recrudescence des analyses et débats sur cette question s’inscrit dans la campagne en cours pour l’introduction du contrat dans le droit de la fonction publique, qu’il est élémentaire de ne pas se laisser « piéger », et qu’il est plus opportun de disséquer et de contester  l’instrumentalisation de l’histoire qui caractérise cette entreprise.

     Contrairement à l’idée  que les initiateurs de cette campagne semblent vouloir accréditer, le statut général des fonctionnaires adopté en 1946 n’a pas donné naissance à  un régime de fonction publique de nature statutaire et réglementaire que le mouvement syndical des fonctionnaires aurait accepté après l’avoir de longue date refusé.

    Les différents aspects de la  situation des fonctionnaires et agents publics dans chaque ministère ou administration étaient régis par des décrets. Quelques problèmes généraux avaient fait l’objet de textes législatifs, et les garanties professionnelles de caractère général avaient donné lieu à une jurisprudence du Conseil d’Etat. Les fonctionnaires, leurs associations et leurs syndicats se sont donc toujours situés dans un espace législatif, réglementaire et jurisprudentiel.

    La fonction publique considérée dans son ensemble et les fonctionnaires considérés dans leur situation individuelle n’avaient  jamais connu  des situations  qui auraient pu être qualifiées de « contractuelles ».

    Sur ce point, il est sans doute nécessaire de veiller à ce qu’une confusion supplémentaire ne s’instaure pas à partir  de la jurisprudence du Conseil d’Etat et de son évolution au long de la première moitié du XXe siècle concernant le  concept de « contrat de fonction publique » et son abandon ultérieur. L’article 65 de la loi du 22 avril 1905 résultant d’un amendement du député Marcel Sembat à la suite du « scandale des fiches » a fait de la communication du dossier en cas d’instance disciplinaire, une garantie professionnelle, un principe général du droit. Quelques années plus tard, Winkell, un postier ayant participé à la grève des Postes en 1909, a formé un recours au Conseil d’Etat fondé sur le fait que les agents révoqués n’avaient pas reçu communication de leur dossier. Le Conseil d’Etat a rejeté ce recours ( CE 7 août 1909, Winkell) en faisant appel  à une notion de « contrat de fonction publique » qui  transposait dans le droit administratif la jurisprudence de la Cour de Cassation. Cette dernière  estimait que la grève  avait pour effet de rompre le contrat de travail et  faisait elle-même l’objet de vives controverses. Soutenant  que la continuité est l’essence du service public et que la grève est en contradiction directe avec la notion de service public, le rapporteur concluait ainsi : « …La grève, même quand elle n’est pas réprimée pénalement, est un moyen révolutionnaire auquel il est interdit de recourir ». Cette jurisprudence a été confirmée dans un premier temps à plusieurs reprises, elle a été étendue aux agents des services publics industriels et aux employés des sociétés d’économie mixte. Mais elle a été modifiée en 1937 non pas sur le fond, mais sous un angle purement juridique. Le Conseil d’Etat, constatant que sa jurisprudence était contestée, notamment par la doctrine,  a abandonné la notion du contrat de fonction publique non pour des raisons de fond (l’interdiction de la grève était maintenue) mais pour des raisons d’ordre juridique, en affirmant que le lien qui unit le fonctionnaire à l’administration est de nature statutaire et réglementaire et non pas contractuelle (CE 22 octobre 1937, Delle Minaire et autres) 1.

    On se demande sur quoi repose l’affirmation selon laquelle le mouvement syndical des fonctionnaires (dont les principaux dirigeants s’accommodaient du « régime des décrets ») aurait   rejeté au long de la période, le caractère statutaire et réglementaire de la fonction publique.

 

 

1- Ceux qui souhaitent approfondir la connaissance de ces problèmes peuvent consulter notamment  M.Long, P.Weil, G .Braibant, Les grands arrêts de la jurisprudence administrative.

 

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Eléments biographiques

   En un demi siècle, j'ai fait "le tour de la table" de la politique de la fonction publique comme syndicaliste, directeur de cabinet du ministre, conseiller d'Etat en service extraordinaire, auteur d'ouvrages.

 

  Né le 2 décembre 1922 à Jurançon (Pyrénées-Atlantiques)

 

-Fonctionnaire

 Receveur divisionnaire des Impôts honoraire

 

-Dirigeant national du mouvement syndical des fonctionnaires (1958-1978)

  Secrétaire du Syndicat national des Contributions indirectes 1958-1963

  Secrétaire général de la Fédération des finances CGT 1963-1970

  Secrétaire général de l’Union générale des fédérations de fonctionnaires (UGFF) et

  Membre du conseil supérieur de la fonction publique 1970-1978

  Membre de la commission exécutive de la CGT 1969-1975.

 

  Membre du conseil d’administration de l’Institut CGT d’histoire sociale.

 

-Directeur du cabinet du ministre de la fonction publique et des réformes administratives  (juin 1981-novembre 1983).

 

-Conseiller d’Etat en service extraordinaire (novembre 1983-novembre 1987).

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