L’existence dans l’administration, d’agents auxiliaires n’est pas un phénomène nouveau ou occasionnel. Dans
les dernières années du Second Empire, et plus tard sous la IIIe République, on recrutait des femmes comme auxiliaires dans les Postes, aux Finances et dans d’autres
services.
1- Au lendemain de la Seconde guerre
mondiale
Pendant la Seconde guerre mondiale, on a embauché des personnes pour travailler dans des services nés des
circonstances. A la Libération, plus de 100.000 agents qui occupaient des emplois considérés comme devenus inutiles étaient licenciés. Cependant, des auxiliaires recrutés pendant la guerre
occupaient encore des emplois permanents dans des conditions juridiques anormales.
Le point de vue de Maurice Thorez lors de l’élaboration du statut des
fonctionnaires
Après avoir regretté les défauts de notre administration, encore aggravés par
Vichy qui a généralisé la bureaucratie en multipliant les créations d’échelons et d’organismes parasitaires, Maurice Thorez, vice-président du conseil chargé de la fonction publique
constatait : « A côté des fonctionnaires titulaires, on trouve des agents contractuels, des auxiliaires, des temporaires, tous recrutés selon des méthodes différentes. Il en
résulte de sérieuses inégalités quant aux aptitudes, à la compétence, et pour tout dire, à la qualité des divers agents de l’Etat. Il en résulte une lente dévalorisation de la fonction
publique, sur le plan matériel comme sur le plan moral... »
Aussi, dès 1945, plusieurs textes étaient intervenus pour clarifier la situation (Ordonnance du 21
mai 1945 créant des emplois d’agents du cadre complémentaire de bureau, décret du 22 mai 1945 relatif aux auxiliaires de bureau et de service, Ordonnance du 28 août 1945 prévoyant le recrutement
sur contrat d’employés de bureau). Un décret du 19 avril 1946 plusieurs fois modifié par la suite allait même jusqu’à doter les auxiliaires d’un véritable « statut » prévoyant des
modalités du recrutement, des mutations, des congés, de la discipline, de la cessation de fonctions. Il appartenait aux administrations de prendre, le cas échéant, les règlements destinés à
adapter les dispositions générales - qui ne s’appliquaient pas aux personnels ouvriers - aux servitudes particulières résultant de leurs attributions et de leur fonctionnement.
Lors de l’élaboration du Statut général, l’administration comptait encore dans ses rangs un grand
nombre d’auxiliaires (selon certaines statistiques, environ 400.000) alors que les effectifs de titulaires étaient de l’ordre du million. Mais le statut n’avait pas vocation à résoudre
cette situation. Cela ne signifiait pas, contrairement à ce que certains ont écrit, que la situation des non titulaires aurait été « négligée » au cours de l’élaboration du statut,
ainsi que l’attestent les textes déjà cités. Après l’adoption du statut, une loi de « dégagement des cadres » en date du 3 septembre 1947 était votée.
La fameuse loi du 3 avril 1950
La loi du 3 avril 1950 devait prévoir que les emplois créés par les textes antérieurs pouvaient être
transformés en emplois permanents classés dans l’une des catégories B, C ou D, (et non dans la catégorie A). Elle précisait qu’à compter du 1er janvier 1950, il ne pouvait plus
être fait appel à des agents non titulaires que dans des cas expressément déterminés, et énonçait les conditions de la titularisation des auxiliaires en fonction. Cette loi a produit ses effets
en matière de titularisation, mais n’a pas atteint son but quant au fond, car le recrutement des auxiliaires a repris dans toutes les administrations.
Cette loi est restée dans la mémoire d’une génération de militants syndicaux et de spécialistes de la
fonction publique comme une tentative estimable de placer l’ensemble des fonctionnaires dans le champ d’un statut général récemment adopté dans un contexte politique favorable. Mais en même
temps, elle est restée comme un exemple mémorable d’échec devant les pesanteurs et les résistances de l’administration.
2- Dans la politique salariale de l’Etat
Après l’échec de la loi du 3 avril 1950, la question des non-titulaires est toujours restée
d’actualité dans la gestion de la fonction publique concernant les rémunérations et les carrières.
Ce fut le cas à l’occasion des opérations consacrées dans les années 1960, à ce qu’on a appelé
la « remise en ordre des rémunérations » ou encore « l’harmonisation avec le secteur public et nationalisé », puis
dans le cadre de la politique des « masses salariales » ouverte par la grève des mineurs de 1963, et dans celui de la « politique
contractuelle » dans le prolongement du grand mouvement de mai 1968.
Les études traitant des reclassements catégoriels qui jalonnent la
politique salariale de l’Etat montrent que ceux de ces reclassements qui se sont appliqués aux personnels des catégories C et D, c’est-à-dire, pour la seule fonction publique de l’Etat à un
demi-million d’agents, ont toujours impliqué des dispositions plus ou moins importantes propres aux personnels auxiliaires et vacataires.
A propos des « contractuels »
Une précision s’impose à l’intention de ceux qui dans les premières années du XXIe
siècle instrumentaliseront l’histoire pour imposer l’introduction du contrat dans le droit de la fonction publique : dans les années qui ont suivi la Libération, il s’agissait de
personnels auxiliaires accomplissant des tâches dévolues aux fonctionnaires d’exécution des catégories Cet D, ou de personnes rémunérées à la tâche et à la vacation, sans parler de celles qui
n’étaient que des numéros, puisqu’elles étaient payées sur des crédits de matériel, sur des « tas de cailloux », comme on disait dans les Ponts et Chaussées.
La notion de « contrat » était marginale. Elle n’est intervenue (essentiellement
pour les personnels du niveau de la catégorie A) que dans les années 1960, par le recrutement de « contractuels », dont la situation devait donner lieu à divers décrets fixant
les conditions générales des contrats qui leur étaient accordés individuellement dans les administrations et établissements publics.