Des articles et des points de vue sur la Fonction Publique, le syndicalisme et la Commune de Paris.
En 2005 sous le quinquennat de Jacques Chirac, la réforme de l’Etat, qui figurait depuis plusieurs années dans les attributions du ministre de la fonction publique traditionnellement chargé des réformes administratives, était placée sous la responsabilité du ministère chargé du Budget. Ce dernier lançait une première vague de dix-sept audits en octobre 2005 suivis de dix-neuf autres au début de l’année 2006 en vue de déterminer les réductions de dépenses possibles dans différentes administrations de l’Etat. Dans le gouvernement Fillon constitué en 2007, le ministre du Budget comptait pour la première fois, la Fonction publique dans ses attributions. Le secrétariat d’Etat et la direction générale de l’administration et de la fonction publique relevaient de ce ministère. A l’occasion d’un remaniement ministériel, le secrétaire d’Etat à la fonction publique ne retrouvait pas son portefeuille. Après les élections régionales de 2010, si ce portefeuille ministériel faisait sa réapparition, c’était auprès du ministre du Budget devenu ministre du Travail chargé de la réforme des retraites.
Avec la loi du 19 octobre 1946 portant statut général des fonctionnaires, pour la première fois dans un texte législatif, était affirmé le principe selon lequel le chef du gouvernement coordonne les actions ministérielles en matière de fonction publique. L’article 17 du Statut indiquait que « le Président du conseil est chargé de la fonction publique » et définit les missions dévolues sous son autorité à la direction de la fonction publique créée par l’ordonnance n° 45-2283 du 9 octobre 1945. L’article 18 prévoyait qu’il signe ou contresigne tous les textes réglementaires relatifs à la fonction publique, ainsi que les textes individuels concernant la situation des fonctionnaires appelés à être affectés dans les administrations ou services dépendant de plusieurs ministères. Il pouvait déléguer ses pouvoirs à un ministre ou secrétaire d’Etat, et c’est ce qui se passera dans la pratique aussi bien sous la IVe République que sous la Ve, avec un ministre ou un secrétaire d’Etat chargé de la fonction publique et le plus souvent des réformes administratives.
L’article 19 instituant le Conseil supérieur de la fonction publique précisait que cet organisme est présidé par le Président du Conseil ou son délégué.
Ces dispositions constituaient une innovation importante. Jusque là, les tâches de coordination de la fonction publique étaient assumées en fait par le ministre des finances. On verra cependant que le ministre des finances et sa direction du Budget conserveront toujours une prééminence dans toutes les affaires de la fonction publique. D’ailleurs l’article 15 de l’ordonnance du 9 octobre 1945 qui définissait les attributions de la direction précisait que « Le ministère des Finances participe à l’étude de tous les projets élaborés ou examinés par la présidence du gouvernement...et qu’il signe ou contresigne tous les textes relatifs à la fonction publique ou aux fonctionnaires qui ont des répercussions financières directes ou indirectes ». La direction du Budget ne s’est jamais contentée du contreseing du ministre des Finances pour les textes ayant des répercussions financières. Elle a toujours considéré que les textes statutaires ont une incidence financière directe ou indirecte, immédiate ou à terme et elle doublait souvent la direction de la fonction publique. Dans mes fonctions de conseiller d’Etat de 1983 à 1987, j’ai encore vérifié cela notamment dans la composition des tableaux de correspondance qui accompagnaient les décrets de titularisation dont j’étais le rapporteur.
Le premier projet de statut élaboré au début de l’année 1946, envisageait la création d’un Secrétariat général doté de pouvoirs étendus, dont on a estimé qu’il opérait une centralisation excessive au détriment des prérogatives des ministres, particulièrement celles du ministre des finances. Le nouveau texte comportait donc la création d’une direction de la fonction publique aux attributions plus réduites, mais que le Conseil d’Etat a ramenées à celle qui étaient prévues dans l’ordonnance du 9 octobre 1945, en refusant le titre de « direction générale » dont il estimait qu’il devait s’appliquer aux directions disposant de services extérieurs. Dans l’ordonnance du 4 février 1959 (qui remplaçait au début de la Ve République le statut de 1946) la direction de la fonction publique n’était plus mentionnée en raison de la redistribution entre les domaines législatif et réglementaire. Mais un décret daté de la veille, le décret n° 59-210 du 3 février maintenait ses attributions en lui attribuant le titre refusé en 1946 : Direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) rattachée au Secrétariat général du Gouvernement et mise à la disposition du ministre chargé de la fonction publique.
Selon le 2° de l’article 15 de l’ordonnance du 9 octobre 1945, la direction générale de la fonction publique était chargée de préparer les éléments d’une politique d’ensemble de la fonction publique, d’étudier toute proposition tendant à améliorer l’organisation des services publics, coordonner les règles statutaires particulières aux divers personnels de l’Etat et des autres collectivités publiques, aménager les principes de la rémunération et le régime de prévoyance de ces personnels. Elle était également chargée « d’établir et ou de faire établir une documentation et des statistiques d’ensemble concernant la fonction publique. » Cette direction était effectivement dotée d’une cellule statistique menant son activité en liaison avec l’INSEE.
Mais il a fallu attendre la parution des décrets de 1976 – imposés par une action syndicale persévérante exigeant l’application d’un engagement de 1968 – pour modifier l’organisation et le fonctionnement des organismes paritaires. Le décret n° 76-509 du 10 juin 1976 relatif au Conseil supérieur de la fonction publique donnait compétence à cet organisme pour entendre un rapport annuel sur l’état de la fonction publique, ce qui donna lieu pour les années suivantes à la publication d’un modeste document ronéoté de 21 pages.
Directeur du cabinet du ministre en 1981-1983, je témoigne qu’à notre arrivée, ce ministère disposait de peu de moyens. Il fonctionnait au ralenti et n’avait pas d’archives. Il a fallu reconsidérer complètement son organisation.
A partir de 1981, le rapport annuel présentant des données statistiques substantielles et un ensemble d’éléments concernant la politique de la fonction publique s’est désormais présenté sous la forme d’un volume publié par la Documentation française.
Ce document, qui n’avait plus rien à voir avec les quelques feuillets des périodes précédentes, a été transformé dans les années 2000 en un rapport ministériel intitulé « Faits et chiffres » s’appliquant aux trois fonctions publiques.
Que deviendront ces acquis si la majorité actuelle reste au pouvoir après les prochaines échéances ? A la lumière de la politique en cours, poser la question c’est y répondre. Nous sommes très loin des « insectes rongeurs » d’antan !