Des articles et des points de vue sur la Fonction Publique, le syndicalisme et la Commune de Paris.
Extrait de René Bidouze, Fonction publique les points sur les i, VO éditions.
Dans les milieux hostiles au gouvernement d’union de la gauche constitué en 1981 on a prétendu, et on n’a cessé de le répéter par la suite, que les cabinets des ministres communistes étaient « investis » par des militants des syndicats. Parmi les nombreuses références à ce sujet, on peut citer une « tribune libre » signée XXX dans La revue administrative en 1985, reprise dans la même publication en 1990. Selon les études objectives qui ont été menées sur les cabinets ministériels de 1981, les militants de la CFDT étaient assez nombreux dans ces cabinets et leur présence aurait même été dans une large mesure préalablement concertée entre cette centrale syndicale et le parti socialiste. D’après Monique Dagnaud et Dominique Mehl dans un ouvrage intitulé L’élite rose paru début 1982, une réunion de la commission exécutive de la CFDT « fut entièrement consacrée à l’examen des sollicitations émanant du pouvoir socialiste ». Ces auteurs ont noté que « la CFDT est, de loin, le syndicat le plus influent dans l’entourage des ministres de la gauche. »
Il en allait tout autrement des cabinets des ministres communistes et des militants de la CGT. Celle-ci, attachée à son indépendance à l’égard du pouvoir, ne tenait nullement à assurer sa présence dans les cabinets ministériels. Aucun responsable d’une organisation de la CGT n’a quitté ses fonctions syndicales pour entrer dans un cabinet, et au total, les conseillers techniques simplement syndiqués à la CGT étaient peu nombreux. « Contrairement à la CFDT, écrivaient les auteurs cités plus haut, aucune négociation d’appareil à gouvernement n’a facilité l’essaimage de cégétistes dans les cabinets ministériels. » Aussi, ajoutent-ils, « René Bidouze a-t-il été recruté par Anicet Le Pors en raison de sa longue expérience des négociations au sein de la fonction publique. » Je n’avais plus de responsabilité depuis juin 1978, c’est-à-dire depuis trois ans, et j’avais réintégré mon administration, que j’ai d’ailleurs quittée le 1er janvier 1981 pour prendre une retraite largement anticipée par rapport à ma limite d’âge normale. Si les autres membres du cabinet du ministre de la fonction publique étaient syndiqués, ils l’étaient, selon leurs fonctions antérieures et leurs convictions personnelles, à la CGT, à la CFDT et à la FEN, mais ils n’étaient pas des responsables ou anciens responsables syndicaux.
Ce texte se poursuivait ainsi à propos de ma situation personnelle :
Les conditions de ma nomination à ce poste (directeur du cabinet) sont d’ailleurs édifiantes. Dans la perspective des pourparlers politiques engagés entre le parti socialiste et le parti communiste, alors que personne ne connaissait encore ni les modalités de la participation des communistes au gouvernement ni les portefeuilles qui leur seraient attribués, Anicet Le Pors a été chargé par le secrétaire général du PCF d’établir un document sur la politique à suivre dans la fonction publique et d’étudier les problèmes institutionnels qui se poseraient dans cette période. Il m’a demandé de rédiger le document sur la fonction publique dans un délai de quelques jours, et pour les questions institutionnelles il a constitué un groupe de travail –dont je faisais partie- qui a également remis son rapport dans le même délai.
Mon document s’inspirait essentiellement des analyses et propositions élaborées, sous ma direction, par le mouvement syndical CGT des fonctionnaires, et de celles d’un groupe de travail du parti auquel j’avais participé.
Lorsque le deuxième gouvernement Mauroy a été formé avec la participation de quatre ministres communistes, Anicet Le Pors, nommé ministre de la fonction publique, m’a appelé aux premières heures de la matinée du mercredi 24 juin 1981, avant la réunion du conseil des ministres, pour me demander de l’accompagner, à l’issue de cette réunion, dans une rencontre avec son prédécesseur Catherine Lalumière.
Indépendamment des divers aspects de l’entrée en fonctions, la constitution du cabinet
était une des premières questions à régler. Guy Braibant, conseiller d’Etat, chargé de mission auprès de Charles Fiterman, et qui devait assurer la coordination des quatre ministres
communistes, jouait un rôle actif. Pour le ministère de la fonction publique, il était envisagé de nommer un ancien élève de l’Ecole nationale d’administration au poste de directeur du
cabinet.
Ma présence était jugée utile en raison de ma connaissance des questions de la fonction publique et de mon expérience de militant. Cependant la détermination de la
place d’un ancien dirigeant du mouvement syndical des fonctionnaires dans le cabinet se heurtait manifestement aux schémas classiques. Ma nomination en qualité de « chargé de mission auprès
du ministre » placé en tête de l’organigramme, c’est-à-dire en principe au-dessus du directeur du cabinet –un moment envisagée- m’apparaissait, dans le cas du ministère de la fonction
publique comme un faux semblant. Je m’apprêtais, n’étant, contrairement à d’autres, candidat à rien, à me retirer, ma tâche temporaire accomplie.
Dès le lendemain, car dans ces circonstances tout va très vite, à la suite de conversations d’Anicet Le Pors avec des militants à l’occasion de la réunion du Comité central du PCF, ma nomination en qualité de directeur du cabinet a été décidée.
Le cabinet a été formé dans les jours suivants...