La guerre d’Algérie, que l’on a longtemps évité d’appeler par son nom, a fait l’objet d’un très grand nombre d’ouvrages, articles, témoignages, vidéos, expositions photographiques et films traitant des multiples aspects de ces événements de 1954-1962 dont les quatre premières années sous la IVe République et les quatre suivantes sous la Ve. Ces investigations historiques se poursuivront et il y a tout lieu de s’en féliciter.
Il est cependant un domaine qui a fait l’objet de publications et d’analyses au cours même des événements, mais ne semble pas encore avoir été traité aussi largement qu’il mériterait de l’être: celui des rapports du mouvement syndical français, et singulièrement pour ce qui nous concerne ici, du syndicalisme des fonctionnaires, avec ces tragiques événements qui ont si profondément marqué notre destin.
Il est probable que cette lacune sera comblée dans la perspective de la célébration du cinquantième anniversaire des accords d’Evian en 2012.
Le mouvement syndical n’est pas resté indifférent ou inactif. L’étude de ses positions, de ses réactions, de ses initiatives, des divergences plus ou moins profondes entre les différentes tendances du syndicalisme ouvrier et étudiant, de ses relations avec les formations politiques, des modalités de sa participation aux différentes formes de la lutte pour la paix en Algérie, serait une contribution appréciable à la recherche.
En souhaitant que s’engage ou se développe un travail de synthèse, individuel ou collectif, par consultation des archives et des publications des différentes organisations, je verse au dossier- comme je le fais sur d’autres sujets - quelques modestes réflexions du militant, de l’auteur et du citoyen.
De l’insurrection algérienne de la Toussaint 1954 au coup de force du 13 mai 1958 à Alger (alors que je n’exerçais aucune responsabilité syndicale nationale), je participais très activement à la lutte pour la paix en Algérie. Dès le déclenchement de l’insurrection en novembre 1954, alors que François Mitterrand ministre de l’Intérieur du gouvernement Mendès-France proclamait que « l’Algérie c’est la France …Des Flandres au Congo, il y a la loi, une seule nation, un seul Parlement. » Ensuite depuis la formation du gouvernement de « Front républicain » dirigé par Guy Mollet avec comme Garde des sceaux, François Mitterrand, dont la politique suscitait une réprobation de plus en plus large dans les milieux les plus divers et sur le plan international. En présence de la politique répressive de Robert Lacoste, nommé ministre résident en Algérie, dont je n’ignorais pas qu’il était un ancien syndicaliste. (Il était avant la Seconde guerre mondiale, un des principaux responsables de la Fédération générale des fonctionnaires chargé de La Tribune des fonctionnaires, et faisait figure de « dauphin » de Léon Jouhaux).
J’étais, du début à la fin de la guerre d’Algérie, de toutes les manifestations politiques et syndicales qui s’inscrivaient dans la lutte pour la paix en Algérie par la négociation avec les représentants du peuple algérien. J’ai écrit de nombreux articles dans la presse de mon syndicat national dont j’étais un des responsables de 1958 à 1963. Chargé du secteur des mutations et mouvements de personnels, je me suis beaucoup investi après les accords d’Evian en 1962, dans les affectations en métropole des fonctionnaires de l’administration des « Contributions diverses » rapatriés d’Algérie. Mon syndicat avait gardé des relations étroites pendant toute la durée de la guerre avec le syndicat de ces personnels qui était autonome en raison de l’interdiction de la CGT décrétée par les autorités françaises. La défense des intérêts des fonctionnaires de notre administration rapatriés était de notre devoir.
Secrétaire général de la fédération des Finances, je représentais la CGT à Alger le 1er novembre 1964 aux côtés de Madeleine Colin secrétaire confédérale et Marius Colombani secrétaire général de l’UD des Bouches-du-Rhône aux grandes manifestations commémoratives marquées par un défilé de masse de plusieurs heures et par de grandes réceptions de Ben Bella et Boumedienne (dont j’ai rendu compte dans La Tribune des fonctionnaires). J’étais d’autant moins gêné par la date de cette commémoration (qui pouvait donner lieu à interprétation dès lors qu’elle était celle du mouvement insurrectionnel) que j’étais personnellement dès le début respectueux des diverses options de ceux qui voulaient la paix, mais partisan de l’indépendance de l’Algérie et de la décolonisation. Comme j’avais été partisan de l’indépendance du Viet-Nam en d’autres temps, participant à la lutte contre la « sale guerre » et signant un éditorial dans le journal l’Etincelle pour fustiger les fantoches viet-namiens du type Bao-Daï qui venaient de siéger pendant plusieurs semaines dans une conférence « inter-Etats » à Pau où je résidais à l’époque.
Dans le tome 2 de mon ouvrage Les fonctionnaires sujets ou citoyens ? traitant du syndicalisme de la fonction publique de la scission de 1947-1948 à 1981 plusieurs chapitres mentionnent la participation du mouvement syndical à la lutte pour la paix en Algérie. Ils constituent essentiellement des jalons d’une histoire syndicale qui reste à écrire.
-La guerre d’Algérie commence (1954)
-Du gouvernement de « front républicain » à l’agonie de la IVe République (1956-1958)
-Les premières années du pouvoir gaulliste (1958-1959)
-La « semaine des barricades » et la grève nationale du Ier février 1960
-L’échec des pourparlers de Melun
-Les divergences entre les forces politiques et syndicales s’affirment
-Les ordonnances répressives
-Le référendum du 8 janvier 1961
-Reprise des conversations franco-algériennes
-Front syndical commun contre le putsh
-Le 35e congrès de la CGT
-Intense bataille contre l’OAS pour la paix en Algérie
-La tuerie de Charonne et la riposte populaire
-Les accords d’Evian
-Référendum constitutionnel et élections législatives