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5 janvier 2011 3 05 /01 /janvier /2011 09:20

    Conformément à l’annonce faite dans l’article « Changement de cap », on trouvera ci-après, en guise de présentation de l’ouvrage L’Etat et les fonctionnaires, converti en publication numérique  sur le site CALAMEO,  le texte de l’Avant-propos.              

          

    La  fonction publique est plus que jamais à l’ordre du jour. Dans une allocution prononcée le 19 septembre 2007 à l’occasion de sa visite de l’Institut régional d’administration de Nantes, le Président de la République a annoncé l’ouverture d’un vaste chantier intitulé  « Service public 2012 » comportant un ensemble de mesures tendant à réaliser pendant le quinquennat une véritable « révolution » de nature à transformer profondément l’Etat, l’administration, la fonction publique. Des débats ont été engagés, des mesures sont  prises sous le label de la « Révision générale des politiques publiques » (RGPP), des  restructurations sont en cours,  et le non remplacement d’un fonctionnaire sur deux prenant sa retraite –qui doit se poursuivre dans les années suivantes- a abouti depuis le début du  quinquennat, à la suppression d’environ cent mille emplois. En cette année  2010, un malaise règne dans l’ensemble de la fonction publique.

     Le propos de l’ouvrage  n’est pas de participer directement à ce débat,  ni  d’analyser  en détail les documents publiés et les mesures en cours d’application dans les ministères. Il se présente essentiellement comme une nouvelle contribution à des aspects essentiels de  l’histoire de la fonction publique de la fin du XIXe siècle à nos jours considérés comme utiles à la compréhension des problèmes contemporains.  Il a pour première ambition de s’adresser à des lecteurs qui appartiennent au monde des  fonctionnaires et agents publics (qui comprend plus de cinq millions d’actifs et quatre  millions de retraités, d’anciens combattants et ayant - droits) mais aussi aux citoyens et usagers curieux de mieux appréhender des questions aussi importantes que l’évolution du poids des rémunérations des fonctionnaires dans le budget de l’Etat et dans ceux des collectivités territoriales, la place qu’elles occupent dans la politique économique, financière et sociale de tout gouvernement à  toutes les époques.

    Cette recherche devait être initialement consacrée essentiellement aux modes de détermination des rémunérations des fonctionnaires  qui  sont longtemps restés empiriques, liés aux fluctuations politiques et sociales, et n’ont  commencé à s’inscrire dans les normes d’une « politique salariale » qu’après la Seconde guerre mondiale. Curieusement, cette politique n’occupe qu’une place réduite dans les analyses des spécialistes de la fonction publique. On reste perplexe devant la rareté des études consacrées à ce domaine ou devant le caractère partiel ou superficiel de certaines d’entre elles. C’est d’autant plus étonnant que l’absence de tout accord salarial pendant la plus grande partie des deux dernières décennies traduisant un déclin du « dialogue social » et de la « politique contractuelle » résulte avant tout d’un ensemble de facteurs déterminant la politique salariale, et de l’incapacité de l’Etat à assurer le maintien du pouvoir d’achat des rémunérations individuelles. Heureusement, les publications de l’INSEE et – depuis 1981- les rapports annuels de la Direction générale de l’administration et de la fonction publique sont une source essentielle d’information et d’analyse dans ce domaine si important.

     On  avait pris le parti de considérer que de multiples autres questions  telles que les régimes de sécurité sociale, de retraite, d’action sociale, d’hygiène et sécurité, pouvaient être disjointes ou évoquées seulement par des incidentes, dès lors qu’il ne pouvait s’agir d’une étude exhaustive. Mais on a bien vite constaté que  l’étude de la politique salariale de l’Etat serait quelque peu hermétique, et qu’on aurait sans doute du mal à en saisir toute la portée, si elle ne s’étendait à un ensemble de questions touchant à l’organisation statutaire, aux carrières, aux rapports entre l’Etat et les collectivités publiques et les personnels et leurs organisations syndicales représentatives.

    La principale expression juridique  de ce régime reste aujourd’hui le Statut général des fonctionnaires de l’Etat et des collectivités territoriales, bien qu’il ait  subi au cours des vingt dernières années un nombre impressionnant de modifications tant dans sa partie législative que dans sa partie réglementaire, une réduction de son champ d’application par un recrutement systématique de non-titulaires et sa mise en extinction pour une masse considérable d’agents notamment dans les deux établissements France Télécom et La Poste.  Ce régime se compose aussi d’un système de rémunération fondé sur une grille indiciaire, d’une organisation générale des carrières, du code général des pensions civiles et militaires, et d’un ensemble de dispositions législatives, réglementaires, jurisprudentielles. Il s’inscrit dans un contexte d’organisation des institutions de la République et de rapports entre les différentes composantes  des pouvoirs publics. C’est donc un très vaste domaine qui s’offre à la recherche juridique et historique.

     S’agissant d’une contribution à l’histoire, on pourrait se demander si la période 1986-2006 doit y être incluse. La réponse est positive pour un ensemble de raisons. Au cours de cette  période caractérisée par les alternances et les « cohabitations », des réformes structurelles majeures  marquent à la fois  – qu’il s’agisse de la politique salariale de l’Etat ou de la politique statutaire et catégorielle – une rupture avec les périodes précédentes, et une continuité de l’action gouvernementale qui l’emporte largement sur les différences. Bien qu’elle ne dispose pas de tout le recul nécessaire, elle est une histoire du temps présent indispensable à la compréhension des débats et décisions en cours et des questions essentielles de l’avenir de la fonction publique en France en ce début de XXIe siècle.

    Dans son ouvrage publié en 1954 et récemment réédité, Roger Grégoire 1, le premier de tous les directeurs de la fonction publique qui se succèderont pendant plus d’un demi-siècle, constatait déjà que « les historiens abandonnent l’histoire des institutions aux juristes » Tel n’est plus le cas aujourd’hui, mais cela reste assez vrai pour l’histoire de la  fonction publique. Pierre Rosanvallon, témoin irrécusable par son œuvre et par sa connaissance de l’élite intellectuelle censée détenir tous les savoirs - et parfois les leviers de commande -  note dans un ouvrage récent « le très petit nombre de travaux consacrés à l’histoire de l’Etat français » et « le caractère répétitif des essais publiés 2.

     Un exposé historique aussi rigoureux que possible, c’est-à-dire fondé sur les instruments classiques de la recherche  et sur la réflexion du témoin et de l’acteur doit permettre de corriger ou d’infléchir des témoignages unilatéraux ou contradictoires, de proposer des interprétations nouvelles et en toute hypothèse d’actualiser cette histoire de la fonction publique française.

     D’autres  raisons  viennent renforcer la détermination de s’engager dans cette démarche. La première réside dans l’instrumentalisations  que la méconnaissance de l’histoire de la fonction publique  et de son mouvement syndical  permet jusques et y compris au sommet de l’Etat.

    Une  approche générale d’un aussi  vaste domaine et des écrits qui lui ont été consacrés met en évidence un aspect original d’une grande portée : aucun auteur, qu’il soit historien, juriste, spécialiste de science administrative, économiste… n’échappe, de propos délibéré ou à son corps défendant,  à l’obligation d’évoquer le mouvement syndical des fonctionnaires comme un acteur  important  de l’histoire administrative. Un concept qui ne peut en aucun cas être confondu avec ceux  de « pouvoir syndical » ou de « cogestion » parfois avancés, et qui recouvre  des données très différentes selon les époques

     Aussi l’ouvrage est-il une version considérablement revue et aménagée d’écrits antérieurs de l’auteur depuis longtemps épuisés, reprenant sans pour autant être exhaustif, ceux des développements concernant le syndicalisme des fonctionnaires qui apparaissent indispensables    à une bonne compréhension du sujet.

     Après avoir  mis  un terme définitif à mes mandats syndicaux, je me suis  consacré au cours des trois décennies suivantes, à des travaux portant sur l’histoire de la fonction publique et du syndicalisme des fonctionnaires  et- pour élargir ma réflexion- sur la place de la Commune de Paris dans l’histoire des services publics et  dans celle des idées,  de la République et des libertés communales.  Les années de mes activités professionnelles dans l’administration des Impôts avant et après mes responsabilités syndicales, dans les fonctions de directeur du cabinet du ministre de la fonction publique et des réformes administratives et de Conseiller d’Etat en service extraordinaire l’emportent très largement sur celles de mes mandats syndicaux nationaux. Depuis plus de trente ans, tout en restant fidèle à mes engagements, je me  situe en dehors de toute responsabilité dans le mouvement  syndical, et  je  jouis sur les orientations et initiatives de ce dernier d’une entière liberté d’appréciation.

     C’est donc dans la triple qualité, suivant les époques, de témoin, acteur et auteur, que j’aborde ce sujet.

   

          

I- Roger Grégoire, La fonction publique, 1954. Réédition Dalloz 2005, Préface Serge Salon et Jean-Claude Savignac.

2- Pierre Rosanvallon, L’Etat en France de 1789 à nos jours, Editions du Seuil, 1990.

 

 

 

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Eléments biographiques

   En un demi siècle, j'ai fait "le tour de la table" de la politique de la fonction publique comme syndicaliste, directeur de cabinet du ministre, conseiller d'Etat en service extraordinaire, auteur d'ouvrages.

 

  Né le 2 décembre 1922 à Jurançon (Pyrénées-Atlantiques)

 

-Fonctionnaire

 Receveur divisionnaire des Impôts honoraire

 

-Dirigeant national du mouvement syndical des fonctionnaires (1958-1978)

  Secrétaire du Syndicat national des Contributions indirectes 1958-1963

  Secrétaire général de la Fédération des finances CGT 1963-1970

  Secrétaire général de l’Union générale des fédérations de fonctionnaires (UGFF) et

  Membre du conseil supérieur de la fonction publique 1970-1978

  Membre de la commission exécutive de la CGT 1969-1975.

 

  Membre du conseil d’administration de l’Institut CGT d’histoire sociale.

 

-Directeur du cabinet du ministre de la fonction publique et des réformes administratives  (juin 1981-novembre 1983).

 

-Conseiller d’Etat en service extraordinaire (novembre 1983-novembre 1987).

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