Les réunions des instances de la CGT consacrées aux problèmes de la succession de Bernard Thibault au congrès confédéral de 2013 ont donné lieu à des communiqués et informations. Mais on a pu lire aussi des commentaires, appréciations et témoignages plus ou moins pertinents émanant de journalistes et « d’experts » qui sont ou se croient bien informés.
Ils ont émis des appréciations sur les orientations de la CGT et sur ses relations avec le Parti communiste au cours des décennies qui nous séparent des lendemains de la Seconde guerre mondiale et de la scission de 1947-1948 qui a profondément modifié le paysage syndical de notre pays. Certains évoquent à ce propos la « culture communiste » des générations précédentes de militants de la CGT pour expliquer les modalités de succession des dirigeants qui ont donné lieu par ailleurs à divers commentaires et témoignages.
La nécessité d’engager des investigations d’historiens, de syndicalistes et d’instituts d’Histoire sociale sur l’ensemble de l’Histoire de la CGT de la seconde moitié du XXe siècle et plus largement des diverses composantes du mouvement syndical français est évidente.
Quoi qu’il en soit, on peut observer que dans toutes les formations politiques, organisations syndicales, associations sportives … à toutes les époques, les procédures de présentation des futurs responsables et de « dauphins » plus ou moins cooptés ont tenu une large place. Dans n’importe quelle organisation dotée de ses propres statuts, le ou les candidats à la direction doivent remplir un certain nombre de conditions, qu’ils soient ou non soumis ensuite à une élection, et le principal dirigeant sortant n’est pas le plus mal placé pour faire des propositions.
Personnellement je continue à assumer une certaine contribution à l’histoire du syndicalisme des fonctionnaires dont on ne mesure certainement pas à quel point elle est un des éléments importants de celle du mouvement ouvrier.
L’histoire des fédérations et syndicats nationaux constitutifs du mouvement syndical des fonctionnaires présente une diversité marquée d’un certaine originalité. En ce qui me concerne, j’ai connu dans les responsabilités que j’ai exercées dans ce mouvement syndical au sein de la CGT un parcours caractérisé par des particularités notables. Le Syndicat national auquel j’appartenais, celui des Contributions indirectes, a résisté à la scission de 1947-1948 et groupait 70% à 80% de l’ensemble du personnel. Ma situation au sein de son secrétariat était exactement, dans le domaine de la représentation des courants de pensée l’inverse de celle que l’on rencontrait ailleurs. Sur ce terrain, la Fonction publique occupait dans la CGT une place originale qui n’a pas été sans conséquences marquantes sur sa propre évolution. Contrairement à la pratique la plus courante, j’ai annoncé un an avant le congrès de l’UGFF de juin 1978 que je ne demanderai pas le renouvellement de mon mandat de secrétaire général, et que je n’interviendrai en aucune façon dans la désignation de mon successeur en laissant aux composantes de l’organisation le soin d’en discuter et d’en décider 1. C’était il y a trente-cinq ans ! L’Histoire est ainsi faite de données spécifiques qui dépassent les schémas et les grilles de lecture simplifiées.
1- René Bidouze, Les fonctionnaires sujets ou citoyens ? Le syndicalisme de la scission de 1947-1948 à 1981, Editions sociales, 1981. Note page 363.
- Histoire d’une crise. Site Calaméo.