L’évolution des effectifs
Considérée sur une longue période, l’évolution des effectifs de la fonction publique est loin d’être linéaire. De 1914 à 1922, les effectifs ont augmenté de 26% avec une pointe en 1919. De 1922 à 1927, les excédents résultant de la période des hostilités ont été résorbés, et de 1927 à 1941 les effectifs ont augmenté de 36 %, malgré le ralentissement de la période 1932-1936, en raison notamment de « l’étatisation » de nombreux agents des collectivités locales. Pendant la seconde guerre mondiale, les effectifs ont fait un bond de 36 % pour atteindre le million.
Ils ont doublé de 1947 à 1982, à un rythme moyen supérieur à celui de la population active mais non uniforme. Les premières années, de 1947 à 1952, les effectifs ont augmenté de 35.000 par an. De 1952 à 1956 ils ont connu une diminution sensible résultant principalement de la réduction des effectifs militaires. A partir de 1956, la croissance des effectifs a repris. Elle s’est accélérée entre 1966 et 1969 pour passer au rythme annuel de 63.000, puis s’est stabilisée jusqu’en 1978, pour diminuer ensuite. Les évolutions ont été sensiblement différentes selon les secteurs, mais on a noté que l’augmentation a été plus rapide dans les ministères à vocation économique, sociale et culturelle. Les effectifs de l’Education nationale ont quadruplé et représentaient en fin de période 47% de l’ensemble contre 18% au début.
L’état des lieux en 1981
En juin 1981, le gouvernement de Pierre Mauroy (constitué après l’élection de François Mitterrand à la présidence de la République, la dissolution de l’Assemblée nationale et les élections législatives ) constatait que le rythme des créations d’emplois dans la fonction publique avait été ralenti dans les quatre derniers exercices budgétaires pour se limiter dans la loi de finances pour 1981 à 1889 créations. Le rapport annuel du ministère de la fonction publique indiquait que depuis 1977, les créations d’emplois budgétaires étaient en constante diminution : 28.400 en 1977, 25.600 en 1978, 22.500 en 1979, 15.100 en 1980. Il estimait que cette évolution avait contribué à aggraver les conditions de travail, et qu’elle avait porté atteinte à l’efficacité de l’administration. Dans sa campagne, François Mitterrand s’était engagé à créer 210.000 emplois publics, dont 60.000 emplois d’utilité publique mis à la disposition des associations et des collectivités locales et 150.000 dans les services publics et sociaux.
Après 1984, les recrutements sont tombés au-dessous du seuil de 50.000 par an, puis ont remonté à partir de 1989. Les effectifs globaux de la fonction publique de l’Etat ont connu des fluctuations qui globalement ont traduit une certaine stabilité.
Depuis la création des trois fonctions publiques, la question des effectifs a pris une nouvelle dimension. On ne peut se borner à évoquer les effectifs de la fonction publique de l’Etat. D’autant que selon les études de l’INSEE, « l’emploi public est tiré par la fonction publique territoriale ». D’autre part la féminisation s’est développée à un rythme continu.
Qui se souvient que dans les années 1980, Jacques Chirac proposait de ramener les effectifs de la fonction publique à leur niveau de 1972, ce qui aurait impliqué à ce moment-là une suppression de plusieurs centaines de milliers d’emplois. La clientèle électorale des partis de droite a toujours été sensible aux propositions de ce genre ainsi qu’on peut le constater de nouveau au cours du quinquennat en cours.
La commission Bloch-Laîné
Dès le 10 juin 1981, le gouvernement de Pierre Mauroy a chargé une commission présidée par M. François Bloch-Laîné, directeur général de la Caisse des Dépôts et Consignations, d’établir un « Bilan de la situation de la France » qui a fait l’objet d’un rapport publié par la Documentation française.
Cette commission a constaté qu’en dehors d’initiatives isolées dans quelques ministères, aucun outil de gestion prévisionnelle n’avait été élaboré et que la mécanisation des tâches, le développement de l’informatique, n’étaient pas pris en compte. Le ralentissement, voire la stagnation du recrutement de fonctionnaires s’était accompagné d’un recours plus grand à l’embauche de non titulaires.
La gestion prévisionnelle des effectifs
La nécessité d’une gestion prévisionnelle était déjà à cette époque une idée ancienne. Elle avait été émise par Roger Grégoire le premier directeur général de la fonction publique, reprise par un de ses successeurs, Marceau Long qui dirigea un séminaire d’étude sur ce thème à l’ENA en 1965. Sa nécessité avait été également soulignée dans le rapport « Gestion moderne de la fonction publique » élaboré par un groupe de travail présidé par M. Racine, Conseiller d’Etat, publié en 1977. Dans les revues spécialisées de l’époque divers articles et études avaient été consacrés à cette question.
En février 1982, le ministre de la fonction publique, qui a lancé le projet CHEOPS (Coordination harmonisée des effectifs et organisation des pyramides structurelles) a proposé la création d’un groupe de travail interministériel sur la gestion prévisionnelle des effectifs, et les travaux de ce groupe se sont engagés en mars 1982.
Dans le même temps, une étude interministérielle sur la bureautique dans l’administration française a été confiée à Lucien Mehl, Conseiller d’Etat, en janvier 1982. Cette mission a débouché sur un rapport publié en août 1983. D’autres travaux ont été menés sur ces sujets.
Une mission de réflexion sur l’informatique administrative s’est conclue en juillet 1983 par un rapport d’Alain Souloumiac sur Les perspectives de l’informatique dans l’administration.
Le décret n° 84-468 du 18 juin 1984 a créé un Comité interministériel de l’informatique et de la bureautique dans l’administration.
Sous l’impulsion du ministère de la fonction publique un ensemble de textes législatifs et réglementaires définissaient une politique novatrice de l’emploi public dans le domaine du recrutement des personnels non titulaires et des modalités de la titularisation dont il a été rappelé dans des articles précédents qu’ils ont été remis en cause par la droite et que la gauche aurait été bien inspirée de les rétablir dans les périodes d’alternance et de cohabitation.
L’Observatoire de l’emploi public
Créé par le décret du 13 juillet 2000, installé par le ministre de la fonction publique Michel Sapin le 19 septembre 2000 cet organisme comprenait un conseil d’orientation regroupant quarante et un membres représentant les assemblées parlementaires, les directeurs d’administration centrale, des élus de la fonction publique territoriale et les organisations syndicales. Il comprenait également un comité technique chargé de l’élaboration et de l’exécution du programme de travail. Son secrétariat était rattaché au directeur général de l’administration et de la fonction publique.
Le conseil d’orientation s’est fixé trois objectifs : assurer la transparence en matière d’effectifs- réaliser des études prospectives globales sur l’emploi et les qualifications- améliorer la gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences au sein de chaque ministère et de chaque fonction publique.
Les fonctions publiques territoriale et hospitalière ont été également dotées d’observatoires des emplois et des métiers.
L’Etat ne manquait donc pas dès cette époque, d’informations, de propositions et de moyens techniques pour définir et mettre en œuvre une politique cohérente de l’emploi public permettant d’éviter les conséquences négatives de la RGPP.