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9 mai 2010 7 09 /05 /mai /2010 13:55

                                            

Une   citation que j’aime bien de mon compatriote béarnais Pierre Bourdieu, sociologue de renommée mondiale, décédé il y a quelques années

                                  (La noblesse d’Etat, Les Editions de minuit, 1989)  

 

« Ce sont ces nouveaux mandarins, friands de primes et toujours prêts au pantouflage, qui, las de prêcher l’esprit de « service public » (pour les autres), comme dans les années 1960, ou de célébrer le culte de l’entreprise privée, surtout après 1980, prétendent gérer les services publics comme des entreprises privées, tout en se tenant à l’abri des contraintes et des risques, financiers ou personnels qui sont associés  aux institutions dont ils singent les (mauvaises) mœurs, en matière de gestion du personnel notamment ; ce sont eux qui s’en prennent, au nom des impératifs de la modernisation, aux personnels d’exécution, ces « nantis » de la fonction publique, protégés contre les risques de la libre entreprise par des statuts rigides et crispés dans la défense corporatiste des acquis sociaux ; ce sont eux qui vantent les mérites de la flexibilité du travail, lorsqu’ils ne prônent pas, au nom de la productivité, la réduction progressive des effectifs ».

 

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9 mai 2010 7 09 /05 /mai /2010 13:50

    Dans le premier article de ce blog, j’indiquais que  certains des  initiateurs d’une politique tendant à vider le statut général des fonctionnaires de sa substance  fondent une part de leur argumentation sur des références et des interprétations historiques contestables qu’il convenait  de réfuter.

 

   Il faut savoir, avant d’en venir  à cette réfutation,  que  si le statut est resté au cœur du   système français de fonction publique, et si aussi peu d’institutions montreront  une telle  vitalité, on le doit  probablement à trois facteurs essentiels :

-         la cohérence juridique de ses fondements ;

-    sa capacité d’adaptation aux évolutions de la société et de l’administration ;

-    la vigilance et l’action du mouvement syndical des fonctionnaires.

 

                                                                     °

                                                                  °     °

 

     Dans le débat qui a précédé le vote finalement unanime du Statut général des fonctionnaires à l’Assemblée nationale constituante en octobre 1946, après la présentation du rapport du député MRP Yves Fagon,  le représentant du  groupe socialiste a qualifié ce statut de « totalitaire » sans apporter à l’appui de cette affirmation le moindre argument, et allant même jusqu’à annoncer : « nous entreprendrons, dès que nous en aurons l’occasion, la révision de certaines de ses dispositions essentielles. » Le représentant du groupe radical a lui aussi fait des réserves. Maurice Thorez, vice-président du conseil chargé de la fonction publique qui avait présidé à l’élaboration du statut a vivement regretté ces attitudes à l’égard d’une loi  dont il affirmait qu’elle fait «  honneur à notre pays ».

           Au cours de l’élaboration du texte et dans les mois qui ont suivi sa publication, plusieurs journaux ont mené une véritable campagne hostile. Des juristes parmi les plus réputés se sont exprimés. Il est classique de citer  Paul-Marie Gaudemet 1 regrettant « le déclin de l’autorité hiérarchique », estimant que « le vieil Etat napoléonien est menacé par le monstre qu’il a nourri », et craignant que l’autorité des ministres et de l’administration ne soit submergée par la « force syndicale » ou encore Jean Rivero pronostiquant « la fin du droit de la fonction publique » et regrettant « l’effacement du principe hiérarchique.».2

          Cette opposition ne se démentira pas au long des décennies suivantes, elle prendra au fil du temps des formes plus ou moins acerbes et  il faudrait des pages sinon des volumes  pour reproduire et réfuter les analyses et déclarations hostiles plus ou moins argumentées  ou les propos témoignant  parfois  d’une méconnaissance des caractéristiques du système français de fonction publique et de son histoire.

        Dans les années 1990, les propositions tendant non pas à abroger le  statut, comme ce fut le cas  en 1986, à la veille du retour de la droite au pouvoir, mais à en faire un « meilleur usage » ont connu une certaine recrudescence parmi les experts qui ont une bonne connaissance du droit de la fonction publique, et pour certains d’entre eux,  de son histoire. Dans un ouvrage publié en 1996 3 je citais une série d’analyses concordantes se situant dans le discours sur la « modernisation de l’administration »  le « management » ou la « gestion des ressources humaines ». Je concluais ainsi : « La haute administration, tenant maintenant un discours différent de celui que nous avons entendu  pendant si longtemps, aurait-elle été touchée par la grâce ? Ceux qui, apparemment en retard, continuent sur leur ancienne lancée et font figure de dinosaures, auraient-ils des raisons de s’inquiéter de cette sorte de renversement de l’argumentation officielle et de ce changement de stratégie ? » Je notais qu’en réalité, les recommandations sur un « un bon usage du statut » (qui d’ailleurs n’étaient pas plus nouvelles que les autres) ressemblaient parfois au sabre de  M. Prudhomme et je notais aussi les considérations particulièrement outrancières avancées par un ancien directeur du Budget, Jean Choussat, qui se signalait sur ce registre par une série d’attaques virulentes sur les  pratiques  du « dialogue social » qu’il assimilait à une « démission de l’autorité », sur le comportement jugé irresponsable des organisations syndicales, pendant qu’un autre expert proposait d’éviter d’attaquer de front les « bastilles » qui bloquent l’administration, parmi lesquelles  « l’intangibilité du statut de la fonction publique » en voyant dans la politique dite du « renouveau des services publics » de Michel Rocard  «  un moyen de les contourner ».

      Pourtant, même en ces dernières années du XXe siècle et les  premières du XXIe, marquées par la mise en œuvre de méthodes autrement efficaces, puisqu’elles réalisent une réduction du champ d’application du statut  en  le mettant  « en voie d’extinction » dans des secteurs entiers, et en remettant en cause des aspects essentiels, certaines personnalités, sans doute marquées par des préoccupations idéologiques et politiques répondant aux traditions anciennes d’hostilité au monde des fonctionnaires, ou d’attachement à « l’Etat fort » ont repris des propos qui permettaient d’ailleurs de se demander si elles  s’étaient  donné  la peine de consulter les textes qu’elles  dénonçaient.

       Ces propos étaient tellement aberrants qu’on s’est bien gardé, dans les revues spécialisées, de les mettre en évidence.

       Une lacune que je me suis efforcé de combler depuis assez longtemps, mais dans des textes à diffusion limitée.

 

1- Paul-Marie Gaudemet, Le déclin de l’autorité hiérarchique, Dalloz, 1947.

2- Jean Rivero, Vers la fin du droit de la fonction publique, Dalloz, 1947.

3- René Bidouze, Fonction publique, Les points sur les i, Editions de la VO, 1996.

 

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5 mai 2010 3 05 /05 /mai /2010 06:54

   Le statut général des fonctionnaires de l’Etat et des collectivités territoriales fixe les droits et obligations des fonctionnaires, l’organisation des carrières, les principes du système des rémunérations, les rapports institutionnels entre l’Etat, les collectivités publiques et leurs agents. Ce régime, qui a fait l’objet d’une abondante jurisprudence administrative, comporte également un ensemble de dispositions incluses dans le code général des pensions civiles et militaires, un régime particulier de Sécurité sociale.

    Le statut général a connu une assez grande stabilité de son adoption en  1946 à 1959 et de 1959 à 1981. Il a fait l’objet en 1959 d’une refonte opérant une redistribution entre les domaines législatifs et réglementaires conformément à la constitution de la Ve République  et d’une profonde réforme fondée en 1983-1984 et 1986 sur la Décentralisation.

   De 1986 à 2006, la plus grande partie des articles de chacun des quatre titres de ce statut ont subi un  nombre impressionnant de modifications, le champ d’application a été largement réduit par des mesures structurelles et statutaires de grande ampleur qui ont eu pour effet de le mettre « en voie d’extinction » notamment à la Poste et à France Télécom.

   Il est légitime de se demander ce qui restera de cet ensemble, dont  le Président de la République a pourtant reconnu qu’il est « un des plus remarquables du monde » 1, lorsque la RGPP (Révision générale des politiques publiques ouverte à l’aube du quinquennat aura produit tous ses effets.

   Les orientations et les objectifs  de cette vaste entreprise s’expriment dans un certain  nombre  de déclarations, d’analyses et de rapports, et se concrétisent dans les mesures législatives et réglementaires adoptées.

   A la lecture de  certains documents 2 il apparaît que les objectifs des gouvernements en place depuis 2002 et 2007 et des majorités parlementaires qui les soutiennent sont la poursuite de la réduction du champ d’application du statut et plus généralement celle du caractère statutaire et réglementaire du régime de fonction publique par une série de voies dont les plus notables semblent être l’introduction du contrat dans le droit de la fonction publique et le rapprochement des statuts d’agents publics et de salariés  du secteur privé.

   Le débat portant sur les aspects institutionnels et juridiques est indispensable, et la responsabilité des organisations syndicales représentatives de fonctionnaires qui ont toujours été – même  dans les périodes où elles n’avaient pas d’existence légale – des acteurs importants, est engagée.

   Mais il est un élément qui est pratiquement absent des textes  publiés pour contester ou combattre ces orientations,  celui de  l’analyse historique, alors que  les textes des initiateurs de ces orientations fondent une part de leur argumentation sur des références et interprétations contestables qui s’apparentent à une instrumentalisation de l’histoire.

    Le moment est venu de riposter.

    A suivre

 

 

1- Discours de Nicolas Sarkozy à l’Institut régional d’administration de Nantes le 19 septembre 2007.

2- Rapport 2003 du Conseil d’Etat « Perspectives pour la fonction publique » et articles publiés ensuite par le rapporteur.

 

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Eléments biographiques

   En un demi siècle, j'ai fait "le tour de la table" de la politique de la fonction publique comme syndicaliste, directeur de cabinet du ministre, conseiller d'Etat en service extraordinaire, auteur d'ouvrages.

 

  Né le 2 décembre 1922 à Jurançon (Pyrénées-Atlantiques)

 

-Fonctionnaire

 Receveur divisionnaire des Impôts honoraire

 

-Dirigeant national du mouvement syndical des fonctionnaires (1958-1978)

  Secrétaire du Syndicat national des Contributions indirectes 1958-1963

  Secrétaire général de la Fédération des finances CGT 1963-1970

  Secrétaire général de l’Union générale des fédérations de fonctionnaires (UGFF) et

  Membre du conseil supérieur de la fonction publique 1970-1978

  Membre de la commission exécutive de la CGT 1969-1975.

 

  Membre du conseil d’administration de l’Institut CGT d’histoire sociale.

 

-Directeur du cabinet du ministre de la fonction publique et des réformes administratives  (juin 1981-novembre 1983).

 

-Conseiller d’Etat en service extraordinaire (novembre 1983-novembre 1987).

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