Après avoir pénétré dans l’histoire de la Commune de Paris en côtoyant dans les années 1990 la vie et l’œuvre de Lissagaray, le fougueux gascon, mes recherches m’ont conduit à la découverte du lien qui pouvait s’établir entre mes réflexions sur l’Etat et les services publics et l’étude des conditions dans lesquelles les communards ont assumé leurs responsabilités au service des Parisiens.

Quand on savait que des dizaines d’ouvrages, des centaines d’articles, études, conférences, interventions dans des débats et colloques avaient été consacrés depuis plus d’un siècle à la Commune de Paris, on pouvait se demander si la gestion des services publics par les communards était susceptible de donner lieu à des développements nouveaux ou à des commentaires inédits.
En parcourant les principales histoires de la Commune, j’ai fait un double constat. D’une part, les historiens de la Commune avaient généralement négligé les aspects fondamentaux et les principes de la « science administrative ». D’autre part, la recherche en histoire de l’administration et plus encore de l’administration parisienne, restait assez fragmentaire. Ceux qui s’y adonnaient étaient généralement des fonctionnaires, juristes, professeurs de droit public qui ne s’intéressaient guère à la Commune ou lui étaient hostiles. Pour une étude des services publics sous la Commune, je me situais à l’intersection des historiens de la Commune et de ceux de l’administration.
Chargé de la rédaction, dans la série des brochures de l’association « Les Amis de la Commune » de celle qui traitait des services publics, suivie d’une conférence sur le même sujet à la Bourse du Travail de Paris en 1998 et 1999, j’ai de nouveau rencontré les tendances négatives révélées quelques années plus tôt par l’épisode de la biographie de Lissagaray. Elles ont trouvé quelques prolongements significatifs à l’occasion de la sortie de mon ouvrage intitulé « 72 jours qui changèrent la cité, la Commune de Paris dans l’histoire des services publics », Le temps des cerises, 2001 (préface d’Anicet Le Pors).
Le traitement d’un certain nombre d’éléments de la vie concrète des services publics dans une perspective historique, c’est-à-dire plus précisément dans le cadre de l’histoire administrative des décennies qui ont précédé et suivi l’événement devait permettre de jeter un regard relativement nouveau sur l’action des communards, de dépasser quelques contradictions, et de lever des préjugés sommaires ou partisans. La référence systématique aux quelque trois cents décrets et arrêtés publiés au Journal officiel de la Commune qui ne compte pas moins de 656 pages permettait de proposer des réponses plus proches de la vérité, sans pour autant porter la moindre atteinte aux mérites des communards.

Il en allait ainsi, notamment, des idées et de la pratique dans le recrutement des fonctionnaires, agents publics et magistrats pour faire face au vide organisé par le gouvernement de Versailles, de l’expression juridique des actes de la Commune, des modes de gestion des services, des prémices de l’autogestion qu’ils pouvaient receler et de la manière dont ils reflétaient des structures dont on a dit qu’elles rejetaient le principe de la séparation des pouvoirs, mais qui n’en comportaient pas moins une assemblée délibérante et des commissions et délégations chargées à la fois d’élaborer des décisions et d’en assurer l’exécution, de la morale révolutionnaire qui imprégnait bien des mesures, des contradictions de la justice et de la sécurité qui faisaient avancer des conceptions en avance sur leur temps, des aspects novateurs de la politique sociale et de celle de l’enseignement, d’une démocratie faisant une large place à la participation active des citoyens et refoulant la bureaucratie qui avait caractérisé le Second Empire dont la Commune était « l’antithèse », pour reprendre une appréciation célèbre de K. Marx.
Après avoir noté que je m’étais « attaqué à la compréhension d’une question cruciale généralement négligée par les historiens… » Anicet Le Pors concluait ainsi sa préface : « Comptant parmi les meilleurs connaisseurs de la fonction publique et des services publics, René Bidouze en a été un acteur important dans de multiples situations : fonctionnaire du ministère des finances, dirigeant syndical national, directeur de cabinet du ministre de la fonction publique au moment de l’élaboration du statut général des fonctionnaires actuellement en vigueur et qui lui doit beaucoup ; puis conseiller d’Etat et aujourd’hui historien de la fonction publique et animateur des Amis de la Commune, il fallait sans doute cette combinaison unique d’expériences pour forger une culture capable de pénétrer la complexité d’un aussi fort moment historique dans un domaine réputé pour sa difficulté qu’il rend accessible au plus grand nombre. »
Cet ouvrage m’a valu entre autres un message chaleureux du sociologue de renommée internationale Pierre Bourdieu, se référant à notre commune origine béarnaise et à l’intérêt qu’il portait au sujet traité.

Pierre Bourdieu
Une réception a été organisée à l’initiative de Georges Séguy président d’honneur et de Joël Hedde président de l’Institut CGT d’histoire sociale à l’occasion de la réunion du conseil d’administration de cet organisme dont j’étais membre depuis sa création en 1982. Des Notes de lecture ont été publiées par la suite dans Les Cahiers de cet organisme.
Un autre dirigeant syndical auquel me liait une longue coopération des années 1970-1980 Georges Frischmann, secrétaire général de la Fédération des PTT, qui avait publié quelques années plus tôt une biographie d’Albert Theisz, savait que je travaillais sur ce sujet qui l’intéressait particulièrement, et dont nous nous étions entretenus à plusieurs reprises. Il a organisé une réunion de militants syndicaux des PTT pour un échange sur la Commune et sur mes travaux.
La promotion de cet ouvrage est cependant restée modeste voire inexistante en dehors de sa présence parmi les ouvrages présentés à l’occasion de diverses manifestations ou fêtes populaires, notamment celle de « l’Humanité » qui se tient chaque année en septembre.