La loi du 19 octobre 1946 portant statut général des fonctionnaires avait été adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale constituante le 5 octobre 1946 et publiée quelques jours avant la promulgation de la Constitution de la IVe République.
L’Ordonnance du 4 février 1959 qui l’a abrogée et a opéré un large transfert au domaine réglementaire a été publiée selon une procédure autoritaire en application de la Constitution de la Ve République récemment promulguée.
A ma connaissance personne ne s’était avisé de ces caractéristiques des conditions d’adoption des lois fondamentales de la Fonction publique et du fait ( salué dans un article intitulé Du serment de fidélité à l’Empereur au statut général des fonctionnaires de l’Etat et des collectivités territoriales ) que la nouvelle version de 1983-1984 voyait le jour dans les conditions normales de la vie parlementaire 1.
Personne n’aurait eu à l’époque, pourtant fertile en critiques et en oppositions, l’idée saugrenue qu’il aurait fallu des circonstances historiques exceptionnelles comme la Libération de la France ou le coup d’Etat du 13 mai 1958 à Alger pour concevoir une réforme aussi importante du régime de la fonction publique dans le cadre des lois de décentralisation qui avaient elles-mêmes une grande portée constitutionnelle.
Aujourd’hui, au lieu de répéter comme le font certaines organisations syndicales sans la moindre justification une formule creuse selon laquelle le statut devrait être « rénové » on serait bien inspiré de créer, dans un contexte politique nouveau, les conditions d’une architecture statutaire conforme à la conception française de la fonction publique qui a largement fait ses preuves au cours d’une longue histoire que les nouvelles générations de fonctionnaires ont intérêt à connaître. Pour s’engager dans une telle voie, il faudrait d’abord évaluer sérieusement ce qu’il est advenu du statut de 1986 à aujourd’hui après une impressionnante succession de réformes statutaires et structurelles et de dizaines de textes législatifs et réglementaires tendant à réduire son champ d’application, à le vider de sa substance, et à le mettre en voie d’extinction 2.
1- René Bidouze, Revue française d’administration publique, janvier-mars 1983 (PP 9-30).
2- René Bidouze, L’Etat et les fonctionnaires, de la plume sergent-major à internet. Publication numérique sur le site Calaméo.