Sans entrer dans le débat sur l’opportunité ou le bien-fondé des propositions du ministre de l’Intérieur qualifiées – sans doute à juste titre- « d’affligeantes » par une organisation de magistrats, et avant que d’aucuns ne répètent éventuellement quelques affirmations qui ont la vie dure mais n’en sont pas moins erronées concernant les idées et la pratique de la Commune dans le domaine du recrutement des magistrats, voici un court extrait de mon ouvrage 72 jours qui changèrent la cité.
… Pour ce qui concerne plus particulièrement les magistrats, l’affirmation selon laquelle ils étaient effectivement élus sous la Commune reste assez répandue, y compris dans les écrits les plus récents. Le mérite des communards n’est en rien diminué par l’expression de la vérité, dont une simple lecture du JO de la Commune montre qu’elle ne correspond pas à cette affirmation. Après la nomination par la Commission exécutive d’Adolphe Voncken, avocat près la Cour d’appel de Paris, aux fonctions de « Président chargé des référés, des conciliations en matière de séparation de corps et des légalisations de signatures » (JO du 27 avril) et sa confirmation comme président du Tribunal civil de la Commune de Paris (JO du 13 mai), il y eut au long du mois de mai, une douzaine d’arrêtés de nomination concernant une cinquantaine de juges de paix, greffiers de justice de paix, juges d’instruction, juges au tribunal civil, magistrats auprès du parquet du Procureur de la Commune. Il y eut aussi quelques nominations de commissaires-priseurs, huissiers, ou notaires. Dans tous ces cas, il s’agissait de nominations directes. Aucun de ces magistrats, agents de justice et officiers ministériels n’a été élu, et il en a été de même pour les fonctionnaires et agents publics appelés à travailler dans les divers services administratifs. Cette réalité est attestée - s’il en est besoin - par ce témoignage de Arthur Arnould, qui rappelait au préalable que les membres de la Commune étaient pour l’élection des magistrats : « Les circonstances extraordinaires où nous nous trouvions, la difficulté de réunir les électeurs, presque tous sous les armes et combattant aux avant-postes, firent ajourner cette mesure, qui eut été votée au premier jour de calme » Il ajoutait cette idée intéressante : « Néanmoins, on aurait pu décréter le principe, sauf à en remettre l’application après la guerre. »1
1- Arthur Arnoult, Histoire populaire et parlementaire de la Commune de Paris, 1878.