Extrait du Préambule
« Fonctionnaire - citoyen
Syndicaliste -historien »
Un parcours professionnel, citoyen et militant
de plus de trois quarts de siècle
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« Je suis né le 2 décembre 1922 à Jurançon, une commune du Béarn où mon grand-père paternel Bernard, né au début du Second Empire était vigneron, ouvrier agricole occupé à la taille et à l’entretien des vignes dans des propriétés des coteaux de cette aire de production réputée. Un vin blanc tiré du cépage manseing que l’on désignait en Béarnais par cette formule inscrite plus tard au fronton de la mairie : « Vi de rey, rey deùs vis » (vin de roi, roi des vins) par allusion à la légende selon laquelle on frotta les lèvres d’Henri IV à son baptême avec une gousse d’ail agrémentée d’une goutte de vin, dans la coquille de tortue géante qui lui servait de berceau, et que l’on peut encore admirer au château de Pau. Mon grand- père maternel, Jacques Estréboou, né en 1870, était « scieur de long », un métier qu’exerçaient souvent les paysans sans terre quittant leur village ou leur ferme pour travailler en forêt.
Mes grands-parents paternels étaient illettrés. Mes grands-parents maternels, plus jeunes savaient à peine lire et écrire. Ils ne s’exprimaient pratiquement pas dans la langue française. Avec leurs proches, leurs maîtres, les gens qu’ils rencontraient, leur parler était le Béarnais. A l’époque de leur jeunesse, celle du Second Empire et des débuts de la République, le quart des habitants de la France ne parlaient pas Français. Un auteur précise à ce propos que si l’on tient compte des patois dérivés du français d’oïl, on peut estimer que la moitié des Français formée dans une écrasante majorité de paysans étaient étrangers en leur pays. Le Français était parlé un peu comme une langue étrangère.
Mon père, âgé de 25 ans à ma naissance, était un grand invalide de la guerre de 1914-1918 qui avait repris son métier d’ouvrier sabotier. Ma mère, âgée de 21 ans, était ouvrière à domicile pour une fabrique de bérets et faisait des travaux de ménage. Entre eux ils parlaient Béarnais, comme tous les membres de cette famille modeste exerçant les métiers typiquement les plus proches du monde paysan dans une province éloignée d’une France encore rurale.
Au temps de mon enfance et de ma jeunesse, le Béarn était, comparé à la France d’aujourd’hui, un pays du tiers monde. Autrefois terre d’émigration, saigné par la guerre comme l’ensemble du pays, il était devenu dans la période entre la guerre et la crise des années 1930, une terre d’immigration essentiellement espagnole, avec une activité économique assez faible, un tourisme en déclin.
Après la Seconde guerre mondiale, il avait plus changé en quelques années qu’en plusieurs siècles. L’historien qui faisait ce constat disait déjà dans les années 1970, après des changements encore plus importants et la découverte du gisement de Lacq : « la ville de résidence bourgeoise avec ses villas isolées au milieu de grands parcs, son calme légendaire, sa population de retraités recherchant non point l’activité fébrile mais la douceur de vivre n’est plus qu’un souvenir ». A la même époque, le département des Basses-Pyrénées changeait de nom pour devenir les Pyrénées-Atlantiques » …