La mise en œuvre immédiate des engagements du « constat Oudinot » s’appliquait à trois domaines essentiels : les services sociaux, les droits syndicaux, les carrières des personnels des catégories C et D.
- La « commission d’études sur la coordination des services sociaux » tenait sa première réunion dès le 25 juin 1968 sous la présidence de M. Jouvin, Conseiller d’Etat. Les propositions contenues dans le rapport étaient partiellement retenues par le gouvernement ;
- La commission des droits syndicaux présidée par le secrétaire d’Etat à la fonction publique Philippe Malaud - un ancien diplomate, député de droite nommé dans le gouvernement Couve de Murville constitué le 10 juillet 1968 après la victoire électorale du pouvoir gaulliste- tenait sa première réunion le 26 juillet 1968. Après diverses péripéties, passes d’armes, interruptions et reprises, les travaux n’aboutiront que plus de deux ans après le protocole, à la publication au Journal Officiel de l’instruction du 14 septembre 1970 signée du Premier ministre Chaban-Delmas qui a succédé à Couve de Murville le 16 juin 1969 ( pour la fonction publique, on s’est contenté d’une circulaire, alors que pour le secteur privé les droits syndicaux dans l’entreprise étaient fixés par la loi du 17 décembre 1968). Cette instruction indiquait en préambule : « Le gouvernement considère que les organisations syndicales constituent vis-à-vis des pouvoirs publics la voie naturelle de représentation des personnels de l’Etat. » Elle codifiait les droits syndicaux en matière de locaux, d’affichage, de distribution des publications, de collecte des cotisations. Elle définissait les facilités accordées aux représentants syndicaux : autorisations spéciales d’absence, dispenses de service, détachement spécial. Compte tenu des évolutions inégales du droit syndical dans le passé, il était expressément précisé dans le texte, à la demande des organisations syndicales, que les nouvelles dispositions « ne sauraient avoir pour effet de mettre en cause les facilités déjà obtenues. » Des circulaires particulières allant sur certains points au-delà des dispositions générales étaient négociées et publiées, notamment aux PTT et à l’Equipement.
Pendant les vingt années qui ont suivi la publication du statut général des fonctionnaires jusqu’en 1968, aucun texte d’ensemble n’avait régi l’exercice du droit syndical. Les situations étaient très disparates. Elles résultaient d’une série de facteurs, de circonstances, de rapports de forces, de traditions etc. La scission de la CGT en 1947-1948 entraînant la création des organisations Force ouvrière, de la Fédération de l’Education nationale, plus tard la naissance de la Confédération générale des Cadres, la transformation de la CFTC en CFDT avec une CFTC maintenue et de syndicats autonomes, avaient rendu le paysage syndical beaucoup plus complexe (plus tard seront créées la FSU, l’UNSA et d’autres organisations).
Après une dizaine d’années d’application, l’instruction du 14 septembre 1970 apparaîtra comme dépassée par la pratique, recélant des ambiguïtés, des sources de conflits et la question des droits syndicaux sera de nouveau posée. Le gouvernement constitué en 1981 publiera un décret.
Selon le protocole Oudinot, le rôle et le fonctionnement des organismes paritaires devaient être examinés dans une deuxième phase. Mais ces discussions ne seront ouvertes qu’en 1973, et seront reprises plus tard pour aboutir aux décrets du 10 juin 1976, huit ans après le mouvement de mai 1968.
-La réforme des catégories C et D
La commission Masselin
La commission chargée de préparer la réforme des carrières des personnels des catégories C et D a tenu sa première réunion le 25 juin 1968, sous la présidence de M. Masselin, président de chambre à la Cour des Comptes, qui siégeait déjà dans le comité des « sages » de 1963.
Interrompus pendant l’été, les travaux ont repris le 18 septembre au rythme d’une réunion par semaine. Au total, la commission a tenu 21 séances de travail.
Le 3 février 1969, les représentants des fédérations CGT, CFDT, FO et FEN ont fixé ensemble les positions à défendre et les ont présentées ensuite devant la commission Masselin dans une « déclaration solennelle ».
Le 10 mars 1969, neuf mois après sa constitution, la commission a clos ses travaux et le 26 mars M. Masselin a remis son rapport au ministre de la fonction publique.
La démission du général de Gaulle et ses suites
En ce printemps 1969, la France a connu des événements politiques de première importance. Au référendum sur la réforme régionale et la transformation du Sénat qui a eu lieu le 27 avril 1969, le NON l’a emporté avec 52,41 % des suffrages exprimés, le général de Gaulle a donné sa démission. Le 15 juin, Georges Pompidou était élu Président de la République, et Jacques Chaban-Delmas était nommé Premier ministre le 21 juin. Son conseiller pour les affaires sociales était Jacques Delors, un cadre de la Banque de France, ancien militant de la CFTC, qui avait déjà exercé diverses responsabilités, particulièrement au Commissariat au Plan dans les années de la « commission des sages » et de la « politique des revenus ».
Dès le 8 août, le « nouveau » ministre des finances Valéry Giscard d’Estaing a pris, après avoir opéré une dévaluation du franc, une série de mesures dites de « redressement » assez semblables à celles de son « plan de stabilisation » de 1963, se fixant pour objectif le rétablissement des équilibres fondamentaux : budget, production, demande intérieure, balance commerciale.
Le 16 septembre 1969, Jacques Chaban-Delmas a prononcé à l’Assemblée nationale un discours resté fameux, annonçant la « nouvelle société » fondée sur l’affirmation selon laquelle la société française est une « société bloquée », un des thèmes favoris du sociologue Michel Crozier.
L’accord du 10 octobre 1969
Le nouveau gouvernement disposait du rapport Masselin sur la réforme des catégories C et D de la fonction publique remis depuis trois mois au gouvernement précédent.
Jacques Delors l’a repris dans un « accord » signé le 10 octobre 1969 par l’ensemble des organistaions syndicales à l’exception de la CGT, consacré par le décret n° 70-78 du 27 janvier 1970 instituant différentes échelles de rémunération pour les catégories C et D des fonctionnaires de l’Etat et parle décret n° 70-79 du 27 janvier 1970 relatif à l’organisation des carrières des fonctionnaires des catégories C et D.
Cette réforme s’appliquait à 500.000 fonctionnaires appartenant aux catégories C et D (soit 37 % des agents civils et titulaires de l’Etat) répartis en sept groupes de rémunération, remplaçant les douze échelles en vigueur depuis 1962. Les groupes I (agents de service) et II (agents de bureau) constituaient désormais ensemble la catégorie D (7 % des agents de l’Etat) et étaient divisés en huit échelons. Les groupes III à VII divisés en cinq échelons, constituaient la catégorie C.
Cet « accord » du 10 octobre 1969 était le premier en date de tous ceux qui seront par la suite conclus dans la fonction publique et dans les entreprises du secteur public. Il inaugurait la « politique contractuelle ».