Aucune politique générale de la fonction publique pour l’immédiat et pour l’avenir n’est concevable sans une appréciation critique et équilibrée des dizaines de textes législatifs et réglementaires qui ont modifié de nombreux articles du statut général des fonctionnaires de l’Etat et des collectivités territoriales au long des trois dernières décennies et plus largement des divers éléments de la « politique salariale ».
Je ne doute pas que les responsables administratifs et syndicaux en ont une connaissance précise même si certains d’entre eux se comportent comme si l’Histoire avait commencé avec eux. Mais ils ne sauraient souscrire impunément à l’attitude juridiquement et politiquement inappropriée qui consiste à voir essentiellement aujourd’hui dans ces textes le signe d’une « adaptabilité » de ceux qui avaient été adoptés en 1981-1984 et que le ministre avait longtemps caractérisés en se félicitant d’avoir « fait voter 12 lois, signé 94 décrets majeurs, et 128 circulaires significatives »
Directeur du cabinet de juin 1981 à novembre 1983, Conseiller d’Etat en service extraordinaire de novembre 1983 à novembre 1987, j’ai analysé dans des ouvrages, études et articles les différents aspects de la politique de la fonction publique de la période 1981-1984, à la réalisation de laquelle j’ai largement participé. Mais je n’ai jamais cessé de prendre mes distances avec une vision unilatérale dont j’ai souligné qu’elle avait essentiellement pour but de faire de cette période l’alpha et l’oméga de l’histoire de la fonction publique et du ministre en exercice son centre de gravité.
Dans mon ouvrage « Fonction publique. Les points sur les i » publié en 1995 (sur lequel nous aurons d’autres raisons de revenir dans les jours prochains) je critiquais ainsi la présentation qui était faite des réformes de cette période (pages 24-25) :
« …Pour des raisons diverses que j’ai eu l’occasion de décrire dans une série d’études publiées dans « Le Droit ouvrier », on a été amené à prendre sur certaines questions des circulaires de circonstance, et des textes successifs ensuite abrogés ou codifiés dans le statut général des fonctionnaires. Cette « statistique » n’a donc pas la portée qui lui est ainsi donnée. Mais surtout, une telle présentation est à double tranchant. La surabondance des textes n’est pas en soi un critère décisif, même dans une période exceptionnelle de réformes. Le Conseil d’Etat ne cesse de dénoncer avec raison l’inflation des textes législatifs et réglementaires, et la formidable prolifération des circulaires qui donne à l’administration une sorte de pouvoir d’appréciation dont le mouvement syndical a d’ailleurs souvent lieu de se plaindre.(Le Rapport annuel de 1991 a fait une analyse spectaculaire de ce phénomène). Ce qui importe, c’est le contenu, le sens et la portée des réformes, d’autant que par référence à ces critères, le résultat est considérable ».
Un quart de siècle plus tard, le Rapport du Conseil d’Etat qui vient d’être publié se prononce à nouveau fermement pour « la simplification et la qualité du droit » en regrettant la prolifération des lois et règlements qui continue à caractériser notre pays et qui s’est même aggravée, alors que les pays voisins parviennent à maîtriser leur activité législative. Le Conseil constitutionnel a la même position.
Sachant que cette « logorrhée » législative et réglementaire n’est ni fortuite ni innocente, j’ai toutes les raisons de rester fidèle au contenu et à la cohérence de mes convictions, dans la droite ligne de mon long parcours professionnel, militant et citoyen.