La question des salaires a toujours été, à toutes les époques, la question sociale majeure et le cœur de l’action syndicale. Rien de plus légitime et de plus nécessaire que de lui donner la place qui lui revient dans « l’histoire sociale ». On est même en droit de penser que des retards importants ont été pris en ce domaine et de porter un regard critique sur la manière dont la recherche et le débat sont menés.
Cela dit, aucun intervenant, qu’il soit historien, juriste, économiste, sociologue, qu’il traite ses aspects généraux ou ses expressions sectorielles, ne peut échapper à l’obligation d’analyser les documents qui en constituent la substance et de se référer aux orientations, à l’action des différents secteurs du mouvement syndical, au témoignage et à l’appréciation de ses dirigeants et le cas échéant de responsables politiques administratifs ou économiques qui en ont été des acteurs et détiennent à ce titre des éléments de première main.
Certes, l’Etat et les collectivités publiques ne sont pas des entreprises comme les autres. Elles relèvent du budget voté par les assemblées élues et sont financées par l’impôt. L’administration est constitutionnellement placée sous l’autorité du pouvoir exécutif. La formule selon laquelle la fonction publique est « la plus grande entreprise de France » a pris au long de la deuxième moitié du XXe siècle, sur le fondement des développements économiques, culturels et sociaux et des évolutions institutionnelles et juridiques, des dimensions nouvelles.
Selon la doctrine, les fonctionnaires perçoivent un « traitement » et non un « salaire ». Mais leur qualité de salariés gérés par « l’Etat-patron » est une réalité qui les a conduits à se grouper en associations professionnelles à la fin du XIXe siècle et au début du XXe, alors qu’ils étaient peu nombreux, à les transformer ensuite - en bravant les interdits- en syndicats qui se sont unis dans une Fédération générale et plus tard à affilier cette dernière à la CGT aux côtés des « fédérations d’industrie » des autres secteurs. L’histoire sociale de la seconde moitié du XXe siècle est riche d’évolutions liées à celles de l’histoire politique, économique, sociale, budgétaire, et d’une diversification du paysage syndical.
Les différents aspects de la question générale des salaires, du « coût de la vie » comme on disait à une certaine époque, du « pouvoir d’achat » comme on dit aujourd’hui traversent l’histoire comme un fil rouge.
L’ensemble des questions que l’on peut regrouper sous l’expression générique « politique salariale de l’Etat » en est une des composantes.