Un point d’histoire
Dans la période précédant l’accession de la gauche au pouvoir en 1981, le texte du statut général des fonctionnaires avait subi peu de modifications. A la suite d’un certain nombre d’initiatives du mouvement syndical CGT et de recherches menées par ailleurs, on disposait d’un ensemble substantiel d’analyses et propositions fondées non seulement sur une bonne connaissance du régime de la fonction publique, mais aussi sur une maîtrise des données essentielles de son élaboration en 1946, de sa réforme des débuts de la Ve République et de ses évolutions ultérieures. La commémoration en octobre 1976 du 30e anniversaire du statut sous la présidence de Georges Séguy à l’initiative de l’UGFF et des fédérations des PTT et des services publics et la participation de Jacques Pruja, Alain Le Léap, Pierre Meunier (1) accompagnée d’une large diffusion du rapport et des autres interventions marquait solennellement les positions du mouvement syndical.
J’ai exposé ici la portée que devait revêtir cet acquis après l’élection de François Mitterrand à la présidence de la République, la constitution du gouvernement de Pierre Mauroy et l’attribution à l’un des quatre ministres communistes du portefeuille de la Fonction publique.
(1) Trois personnalités marquantes de l’adoption du statut en 1946 - sans oublier le ministre Maurice Thorez et le rapporteur Yves Fagon, l’un communiste l’autre MRP - auxquelles ce blog a rendu hommage. La fonction publique est une création continue.
Une exigence d’aujourd’hui
Les responsables politiques, administratifs et syndicaux qui auront la charge de l’avenir de la fonction publique du XXIe siècle devraient avoir une connaissance approfondie des mêmes données. Ils devraient se livrer à une analyse exhaustive et sans complaisance des modifications apportées à la version 1981-1984-1986 au cours des trois décennies suivantes. En principe, nul ne devrait pouvoir se permettre de mépriser les tenants et aboutissants des fondements de la fonction publique et de son histoire.
Ces exigences s’imposent avec une force particulière si on veut réellement faire échec à une hypothèse que la situation politique actuelle et les perspectives annoncées pour les échéances de 2017 ne permettent pas d’exclure mais qu’il faut combattre: l’achèvement autoritaire de la réduction systématique du champ du statut général des fonctionnaires par la consécration de la « mise en extinction » déjà évoquée ici et la mise en œuvre d’un autre régime de fonction publique dans le cadre d’une régression générale des services publics.
Où en est-on ?
La vie politique est structurée et dominée par une caractéristique dont beaucoup de commentateurs s’emploient à camoufler l’essentiel sous prétexte que le peuple français serait friand d’une « monarchie républicaine » : L’élection par défaut au suffrage universel à deux tours d’un président de la République tournant le dos à son programme électoral pour faire une autre politique vouée à l’échec avec pendant cinq ans une Assemblée nationale impuissante élue dans la foulée grâce à l’inversion du calendrier. C’est ainsi que les choses se passent avec Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et François Hollande.
Dans « L’Humanité » du 4 décembre un article relatif aux élections professionnelles des fonctions publiques se plaçait « …dans un contexte où la droite a une forte probabilité de gagner la présidentielle de 2017… » et donnait la parole à un directeur de recherche au CNRS et au Cevipof selon qui « Avec la droite, on aura une remise en cause du modèle de service public et de la fonction publique (ce qui est exact) suivi de cette affirmation défaitiste : « Pour les fonctionnaires, nous sommes en train de vivre les deux dernières années de l’ancien système, en se dirigeant vers un modèle libéral de forte privatisation du service public appuyé toujours par les mêmes arguments : il faut réduire les coûts, on va privatiser etc… »
Autrement dit « Les carottes sont cuites » ? Qu’en pensent ceux qui nous prédisaient « un XXIe siècle âge d’or des services publics » ? Où en sont sur ces questions essentielles, les fédérations et unions générales de fonctionnaires ?
L’Histoire ne se répète pas, mais elle est riche d’enseignements qu’il est coupable d’ignorer, et elle pourrait se mettre à bégayer.