Nous sommes dans la commémoration du Débarquement du 6 juin 1944 qui fut un des grands événements du XXe siècle. Ceux qui avaient 20 ans à l’époque et ont survécu sont aujourd’hui nonagénaires.
En 1944, j’étais dans ma 22e année. Contrôleur stagiaire des Contributions indirectes après avoir exercé les fonctions d’instituteur détaché à l’Inspection académique à Pau, j’avais échappé au STO alors que j’étais dans un convoi de 2000 hommes à destination des mines de Katowice en Pologne occupée par les nazis.
J’accomplissais mon stage à l’Ecole nationale des Contributions indirectes, rue Cardinet à Paris dans le 17e arrondissement. Le 6 juin, avait lieu l’examen de fin de stage auquel participaient les quelque 250 stagiaires appartenant à plusieurs promotions de cette période de guerre et dont la majorité étaient d’anciens instituteurs venus des départements les plus deshérités. Le directeur de l’école avait obtenu l’autorisation de ne pas l’interrompre dans cette journée du Débarquement marquée dans la capitale par quatre-vingt alertes aériennes. Classé 2e à l’écrit à un demi-point dans le total de points du premier j’ai terminé 4e. André Berteloot était le major.
Lorsque, après la Libération, Berteloot sera conseiller régional du Syndicat des Indirectes à Bordeaux, je serai son suppléant et lorsqu’il deviendra secrétaire général du syndicat en 1953 il me proposera d’accéder au bureau national. Une offre que je déclinerai pour des raisons qui n’avaient rien à voir avec mon engagement syndical. J’accepterai cette fonction cinq ans plus tard, aux côtés de Léon Rouzaud sur proposition de Roger Loubet. André Berteloot avait alors pris la suite de Léon Rouzaud au secrétariat général de l’UGFF. Membre du bureau confédéral de la CGT, il en sera pendant des années l’administrateur. Roger Loubet qui avait été secrétaire général du Syndicat, était secrétaire général de la Fédération des finances, une fonction à laquelle je lui succèderai en 1962 avant qu’il ne soit élu secrétaire général de l’UGFF en 1964 en remplacement de Berteloot se consacrant à ses tâches confédérales. En 1970 je succéderai à Roger Loubet au secrétariat général de l’UGFF et je mettrai un terme définitif à mes responsabilités syndicales en 1978.
De 1946 à 1978, les secrétaires généraux successifs de l’UGFF - CGT (Alain Le Léap, Léon Rouzaud, André Berteloot, Roger Loubet, René Bidouze) Jacques Pruja un des promoteurs du statut général des fonctionnaires avec le cabinet de Maurice Thorez dont Pierre Meunier était le directeur, étaient tous des cadres supérieurs du ministère des Finances et plus précisément de l’administration fiscale dont le mandat fut de durée limitée et qui ont assumé (avant et après) d’autres responsabilités administratives, mutualistes ou syndicales.
Lors de la crise survenue dans le mouvement syndical CGT des fonctionnaires dans les années 1975 (analysée dans mes écrits souvent cités par ce blog) je n’ai pas pris en considération le positionnement apparent de Berteloot auprès des deux secrétaires confédéraux issus du même syndicat national qui s’opposaient à la direction de l’UGFF et tentaient de m’éliminer par des voies autoritaires. Léon Rouzaud, sans intervenir officiellement, ne les a pas soutenus. Je m’honore d’avoir prononcé son éloge funèbre aux côtés de Georges Séguy en 1977. Alain Le Léap a écrit la préface de mon livre Fonctionnaires sujets ou citoyens quelques années plus tard en 1979. Cette préface était une contribution à l’Histoire du syndicalisme des fonctionnaires.
Quels que soient leurs parcours, leurs divergences, les péripéties de la lutte sociale, ces personnalités avaient une relation forte avec la continuité de l’Histoire syndicale et ses lignes de force dans le temps long.