Un des tous premiers articles de ce blog, en mai 2010, évoquait l’immeuble situé 10 rue de Solférino, qui fut pendant un demi-siècle le siège de la Fédération des fonctionnaires avant de devenir celui du Parti socialiste. Ni la direction de ce dernier, ni la presse n’ont fait le moindre écho à cette note. Je n’ai pas insisté, et j’ai poursuivi pendant ces quatre années l’action que je venais d’engager sur l’Histoire de la fonction publique, du syndicalisme des fonctionnaires et de la Commune de Paris.
En préalable, voici mon article de mai 2010 :
Les journaux télévisés montrent parfois des personnalités politiques franchissant les grilles de l’immeuble situé au 10 rue de Solférino, dans le 7e arrondissement de Paris, des réunions de militants ou des rassemblements de soirs d’élection.
Personne ne peut ignorer que là se trouve le siège du Parti socialiste.
Mais qui sait ou se souvient qu’il fut celui du mouvement syndical des fonctionnaires pendant près d’un demi-siècle ?
La fédération des fonctionnaires créée en 1909 regroupait au lendemain de la Première guerre mondiale des associations transformées en syndicats malgré l’interdiction gouvernementale et la jurisprudence draconienne du Conseil d’Etat. Elle avait adhéré à la CGT en 1920, puis l’avait quittée pour sauvegarder son unité et l’avait de nouveau rejointe en 1927. Elle était installée à l’angle des rues de Lille et de Poitiers.
Forte de ses 300.000 adhérents, d’un hebdomadaire à grand tirage La tribune des fonctionnaires, dont le premier numéro était sorti en 1913, elle fit l’acquisition en 1934, quelques mois avant la réunification de 1935-1936, grâce aux fonds recueillis par souscription auprès des fonctionnaires et agents publics, de cet immeuble situé, à l’angle du 10 rue de Solférino et du 94 rue de l’Université, qui appartenait alors à la famille du prince de Broglie.
Ainsi le mouvement syndical des fonctionnaires restait dans le quartier des ministères et des ambassades, à proximité de la Chambre des députés.
En 1940, après la dissolution des syndicats, le gouvernement de Vichy s’est emparé de ce siège pour y installer les services de son ministère de l’Information.
En août 1944, un groupe de résistants a exécuté sur place le sinistre Philippe Henriot, porte parole de la collaboration. Quelques jours plus tard, un groupe des FTP (Francs tireurs partisans) a repris possession de l’immeuble où la fédération des fonctionnaires s’est immédiatement réinstallée. (Ces événements ont été marqués par une plaque commémorative fixée sur la façade en 1964).
Après la scission de 1947-1948 la maison a abrité l’Union générale des fonctionnaires CGT, la Fédération de l’Education nationale, et plusieurs fédérations et syndicats nationaux autonomes ou même affiliés à FO. Elle était gérée – dans des conditions qui bravaient la division syndicale- par un comité réunissant les représentants des organisations qui y avaient leur siège.
En face, au 5 de la rue de Solférino, se trouvaient, pendant « la traversée du désert » les bureaux du général de Gaulle.
En 1978, le projet de rénovation et de transformation en une Maison commune de l’ensemble du mouvement syndical des fonctionnaires s’étant heurté à d’insurmontables difficultés administratives et financières, la vente a été décidée. C’est une mutuelle de retraite des instituteurs qui s’est portée acquéreur et revendra son siège, quelques années plus tard, au Parti socialiste.
Dans l’exercice de mes responsabilités syndicales, j’ai siégé au 10 rue de Solférino de 1958 à 1978. De 1963 à 1970, j’ai occupé le bureau dans lequel Philippe Henriot avait été exécuté, et de 1970 à 1978 le bureau central auquel on accédait par le grand escalier où, dit-on, Charles Laurent, secrétaire général pendant 35 ans, de 1909 à 1946, avait placé un « huissier à chaîne », comme dans les palais ministériels. Président du comité de gestion de la « maison des fonctionnaires » en ma qualité de secrétaire général de l’UGFF, j’ai présidé à la vente de cet immeuble chargé d’histoire syndicale..